Sur les dents Certains maux de dents donnent des maux de tête aux dentistes! par Jean Hamann Quand monsieur M. Gobeil (nom fictif) a décidé de venir consulter le professeur Jean-Paul Goulet à la Faculté de médecine dentaire pour un mystérieux mal de dents qui l'affligeait depuis quatre ans, son épouse avait un diagnostic déjà bien arrêté: "Ce n'est pas d'un dentiste dont tu as besoin, mais d'un psychiatre!". Le verdict de madame reposait sur le caractère bien particulier des malaises de monsieur: ils ne survenaient que la fin de semaine, alors que les conjoints passaient du temps ensemble!
Le professeur Goulet et son collègue Rénald Pérusse voient chaque année près de 500 patients qui, comme M. Gobeil, souffrent de maux de dents énigmatiques dont la cause échappe au dentiste traitant. "Entre 3 et 5 % de la population souffrira un jour de ces maux de dents qui causent des maux de tête aux dentistes", précise Jean-Paul Goulet, qui a partagé sa vaste expérience du domaine avec les quelque 200 personnes qui assistaient, le 4 février, à la 22e Journée scientifique de la Faculté de médecine dentaire.
"En plus d'utiliser les outils d'investigation habituels, il faut faire parler le patient, a insisté le conférencier. Il faut lui demander de préciser d'où vient la douleur, à quel moment elle se manifeste, ce qui l'accentue, ce qui l'atténue et ce qui la soulage." Dans la plupart des cas, les réponses mettent le dentiste sur une bonne piste. C'est ainsi que le professeur Goulet a appris que les maux de dents de M. Gobeil survenaient une heure ou deux après la fin des activités que le couple pratiquait ensemble les fins de semaine, nommément la randonnée pédestre et le ski. "Nous avons pu reproduire la douleur en clinique en demandant au patient de se rincer la bouche en alternance avec de l'eau chaude et de l'eau froide. Il s'agit d'un cas d'allodontie thermique qui se déclenche à retardement", a conclu le spécialiste. Le port d'un protecteur buccal lors des activités de plein air a mis un terme aux douleurs de M. Gobeil, confirmant ainsi le diagnostic.
Dents silencieuses D'autres pièges guettent les dentistes, a prévenu le conférencier. Ainsi, il arrive que les maux de dents irradient à d'autres parties de la tête en empruntant des troncs nerveux communs. Tant que le patient peut identifier l'épicentre de la douleur à une dent, le dentiste a la partie facile. "Ce n'est pas le cas avec les dents "silencieuses", des dents qui sont en apparence saines et asymptomatiques, mais qui peuvent projeter la douleur jusqu'au cou, aux oreilles ou aux tempes, causant parfois des migraines et des maux de tête."
À l'inverse, certains maux de dents peuvent provenir de problèmes musculaires, articulatoires ou nerveux, même si les patients sont convaincus de pouvoir identifier précisément les dents qui les font souffrir. Le traitement de canal ou l'extraction de la dent n'apportera aucun soulagement dans pareils cas, en plus d'occasionner des dépenses inutiles et une frustration compréhensible chez le patient. "Devant une douleur mal localisée, il ne faut pas écarter la possibilité d'une cause locale, a prévenu Jean-Paul Goulet. Et devant une cause bien localisée, il ne faut pas écarter la possibilité d'une cause distante. Dans certains cas, il peut même s'agir de problèmes cardiaques ou de tumeurs." | |