
Le courrier
L'Université ouverte sur le monde, encore un petit
effort!
L'université Laval se targue d'être ouverte sur
le monde. Pas un numéro du journal Au fil des événements
ne manque de le souligner. En novembre dernier, le recteur nous
envoyait un message arguant qu'en matière internationale
"l'Université Laval, comme vous le savez, performe
très bien". L'Université cherche à
faire en sorte que 20 % des étudiants soient inscrits
dans les profils internationaux de leur faculté. Bien
d'autres ont déjà bénéficier de quelques
subsides pour réaliser des travaux à l'étranger,
dans les pays du Sud notamment. Je suis l'un d'entre eux. Le
Bureau international a financé une partie des frais que
j'ai engagés pour collecter des données au Burkina
Faso lors de ma maîtrise et de mon doctorat en santé
communautaire. Merci. Cela étant dit, voilà plus
de dix ans que je travaille dans le domaine de la coopération
internationale et j'ai me suis toujours fait un point d'honneur
à travailler comme un collaborateur avec mes collègues
du Sud et non comme une personne qui va enseigner quoi que ce
soit.
Aujourd'hui, je souhaite attirer l'attention sur la difficulté
structurelle de l'Université à s'ouvrir sur le
Sud et non vers le Sud. Pour illustrer cela, je ne prendrai qu'un
exemple parmi tant d'autres. Il m'est impossible d'obtenir l'appui
d'un universitaire du Burkina dans mon comité de thèse.
Et pourtant, son regard critique externe me permettra non seulement
de valider mon interprétation des données, mais
aussi de garantir la pertinence de mes propositions concrètes
pour renforcer un accès équitable aux soins dans
ce pays, puisque tel est mon sujet de recherche. La coopération
internationale ne doit pas être dirigée vers une
seule direction, du Nord vers le Sud; le Sud a aussi plein de
belles choses à nous apprendre. Je manque de place pour
donner des exemples d'innovations venues du Sud et utilisées
par le Nord pour sauver des vies (par exemple les sels de réhydratation
orale). Ma recherche est personnelle et n'est pas un sous-projet
d'un programme de recherche de mes superviseurs. Or, personne
ne souhaite financer la collaboration de cet universitaire à
ma thèse. Le Bureau international me répond que
cela n'est pas possible. La Faculté des études
supérieures daigne fournir au plus un tiers du budget
nécessaire (1000 $). Les doyens de la Faculté des
sciences infirmières et de médecine ne répondent
pas à mes demandes malgré l'appui de mon directeur
de programme. L'Agence universitaire de la Francophonie fait
de même. Si ce n'est de la bonne volonté et de la
générosité des membres de mon comité
de thèse, ouverts sur le monde sans le clamer, il est
fort à parier que je ne pourrai jamais être en mesure
de financer cet apport essentiel que représente le regard
critique d'un universitaire du Sud sur une recherche d'un doctorant
du Nord. À moins que cet article ne fasse découvrir
la fonction "répondre" d'Eudora à mes
interlocuteurs ouverts sur le monde?
VALÉRY RIDDE
Étudiant au doctorat en santé communautaire
Valery.Ridde.1@ulaval.ca
Une égalité à partager
Lors du deuxième forum québécois sur
la condition masculine tenu à Québec les 26 et
27 novembre 2004, où étaient présents Guy
Corneau, Françoise David, Gilles Rondeau et Serge Bouchard,
plusieurs pistes de réflexions ont émergées
quant aux relations entre les hommes et les femmes et leur rapport
à l'égalité. AutonHommie, qui offre notamment
différents services aux hommes en difficulté depuis
plus de vingt ans, souhaite partager quelques-unes de ces réflexions.
Il importe de reconnaître et de légitimer la différence
entre les hommes et les femmes. Comme il fut mentionné
durant le forum, nombre d'inégalités persistent
entre ceux-ci, trop souvent au détriment de ces dernières,
et ce, tant au Québec qu'ailleurs dans le monde. Que l'on
parle ici d'inégalité salariale, de violence physique
et sexuelle, de sous-représentation dans les instances
de pouvoir et d'autres encore, les femmes sont largement pénalisées.
Malgré les grandes avancées réalisées
par les femmes dans les trente dernières années,
des écarts inadmissibles persistent. Reconnaissons-le.
Par ailleurs, certains ont souligné les difficultés
vécues par les hommes, notamment en matière de
santé physique, de santé mentale et de comportement.
Les taux de suicide alarmants et la prévalence inquiétante
de troubles du comportement chez nos jeunes garçons en
témoignent, ajoutons à cela les réticences
que plusieurs entretiennent face aux services d'aide et nous
avons un portrait inquiétant des conditions de vie de
nombre d'hommes. Reconnaissons-le.
Bien sûr, ces esquisses ne sont pas le reflet de tous les
hommes et de toutes les femmes. Il importe de reconnaître
les différences et les inégalités entre
eux mais aussi celles qui persistent entre les hommes eux-mêmes
et entre les femmes elles-mêmes. Tous les hommes ne sont
pas identiques et ne jouissent pas des mêmes privilèges
d'une société patriarcale. Cependant, la majorité
d'entre eux sont aux prises avec un carcan peuplé des
injonctions traditionnellement masculines et des valeurs qui
les sous-tendent comme la compétition, la réussite,
la force Injonctions qui contribuent largement à la reproduction
de cette relation inégale entre les hommes et les femmes
et entre les hommes eux-mêmes. Reconnaissons-le. Il est
donc primordial de reconnaître la différence et
les besoins spécifiques des hommes et des femmes en matière
d'orientations politiques et d'interventions sociales.
Nous considérons qu'il est nécessaire de reconnaître
la différence afin de demeurer sensible aux réalités
des hommes et des femmes. Nous sommes toutefois d'avis qu'au-delà
de la différence, il est indispensable de reconnaître
les similitudes, car hommes et femmes sont en soi bien plus semblables
que différents. Tous et toutes ont vécu les dernières
années de mouvance sociale ensemble, parfois avec un sentiment
de perte de repères, notamment dans la délimitation
des rôles traditionnellement masculins et féminins,
comme ce fut le cas de beaucoup d'hommes. Plus souvent avec le
sentiment de gains, ce fut aussi le cas de nombre d'hommes. Nous
croyons que ces gains ne sont pas négligeables et recèlent
un potentiel de croissance extraordinaire, comme le droit pour
bien des hommes et des femmes de se reconnaître par delà
la barrière des sexes et des pressions de conformité
qu'ils impliquent, de s'y émanciper, enfin! Une légitimité
émerge maintenant et permet davantage l'autonomie des
femmes sur tous les plans alors que les hommes redécouvrent
une sensibilité longtemps occultée.
Nous sommes pour le partage d'une égalité de sens
commun transcendant des limites de genre devenues caduques. Or,
cette égalité implique la reconnaissance mutuelle
des hommes et des femmes dans leurs différences et leurs
similitudes et cette reconnaissance passe nécessairement
par le dialogue entre les hommes et les femmes, mais aussi entre
leurs représentants. Ici, la présence et le partage
d'une vision de l'égalité entre cette femme et
ces trois hommes lors de ce forum est en soi gage d'espoir. Ce
dialogue est désormais de l'ordre du possible, un premier
jalon est établi, une autre pierre est posée
SACHA GENEST DUFAULT
Étudiant au doctorat à l'École de service
social
et intervenant social à l'organisme AutonHommie,
Centre de ressources pour hommes
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