Quand plus signifie mieux Une équipe de l'Unité de recherche en santé des populations démontre que le dépistage efficace du cancer du sein dépend de facteurs autres que l'expérience des radiologistes par Jean Hamann L'efficacité des cliniques de dépistage du cancer du sein dépend du nombre de patientes qu'on y examine, rapporte un groupe interuniversitaire de chercheurs dans le dernier numéro du Journal of the Canadian Medical Association. Cette observation, qui semble n'être qu'une application de la règle qui lie la pratique et l'amélioration, cache cependant une réalité nettement plus complexe. C'est du moins la lecture qu'en font Jacques Brisson, de l'Unité de recherche en santé des populations (Faculté de médecine) et ses collègues Isabelle Théberge, Nicole Hébert-Croteau, André Langlois et Diane Major.
À la demande de l'Institut national de santé publique, ces chercheurs ont utilisé les données amassées dans le cadre du programme québécois de dépistage du cancer du sein, lancé en 1998, pour identifier les facteurs qui influencent l'efficacité du dépistage effectué dans chaque clinique. Cette efficacité dépend de deux éléments, explique Jacques Brisson: d'une part, la capacité de détecter un cancer lorsqu'il est présent, et, d'autre part, de ne pas déclarer qu'il y a un cancer lorsqu'il n'y en a pas (faux positif). "Il y a un difficile équilibre à atteindre entre ces deux composantes", souligne-t-il.
Entre mai 1998 et décembre 2000, plus de 307 000 Québécoises âgées de 50 à 69 ans ont subi une mammographie dans l'un des 68 centres désignés qui participent au programme de dépistage du cancer du sein. Les 275 radiologistes qui y travaillent ont détecté correctement 1 709 cas de cancer, mais ils ont aussi rapporté 3 159 faux positifs. "Tous les centres de dépistage respectaient le seuil minimal d'efficacité fixé par les autorités médicales", précise d'emblée le chercheur. Étudier l'ensemble de la procédure Étonnamment, l'analyse des données a révélé que le taux de cancers détectés par un radiologiste demeure stable peu importe le nombre de cas que celui-ci examine. Par contre, plus une clinique effectue d'examens, meilleure est sa performance au chapitre de la détection. Ainsi, les centres qui ont effectué plus de 4 000 mammographies ont un taux de détection 28 % plus élevé que ceux qui en ont pratiqué moins de 2 000. Et ce n'est pas la fin de l'histoire. Plus un radiologiste analyse d'images, moins il rapporte de faux positifs. Par exemple, les médecins qui ont interprété plus de 1 500 images ont un taux de faux positifs deux fois plus faible que ceux qui en ont examiné moins de 250. Par contre, le taux de faux positifs enregistré dans chaque clinique est indépendant du nombre de patientes examinées.
Les chercheurs en concluent que le nombre d'examens effectués par chaque radiologiste et par chaque centre a un effet indépendant et complémentaire sur la performance globale du programme. Pour cette raison, les radiologistes qui oeuvrent dans des cliniques qui effectuent beaucoup de mammographies et qui interprètent eux-mêmes beaucoup d'examens enregistrent les plus hauts taux de détection et les plus bas taux de faux positifs.
"Ces résultats suggèrent que des facteurs autres que l'expérience des radiologistes entrent en jeu et qu'il faut considérer l'ensemble de la procédure", analyse Jacques Brisson. Parmi les éléments qui pourraient expliquer les écarts observés, le professeur de la Faculté de médecine mentionne l'expertise de l'équipe technique chargée de prendre les images, la collaboration entre les spécialistes pour l'interprétation de mammographies ambiguës et la participation du personnel à des programmes de formation. "Si on parvenait à identifier les facteurs qui expliquent les différences entre les cliniques et entre les radiologistes, on pourrait les communiquer aux centres qui font moins de mammographies pour qu'ils deviennent aussi efficaces que ceux qui en font beaucoup", poursuit-il.
Malgré la conclusion qui se dégage de l'étude, l'idée d'effectuer plus d'examens du sein dans un nombre restreint de centres ne sourit pas à Jacques Brisson. Le gain d'efficacité qui pourrait en résulter se ferait au détriment de l'accessibilité à ces examens, ce qui n'est pas souhaitable, juge-t-il.
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