La route des gènes Des chercheurs de la Faculté de médecine lèvent le voile sur un mécanisme fondamental de réparation de l'ADN par Jean Hamann Même dans l'intimité de sa cellule, l'ADN n'est pas nu. Il est habillé d'une couche de petites protéines, appelées histones, qui forme un rempart entre la précieuse information génétique qu'il renferme et le reste de la quincaillerie cellulaire. Si l'ensemble formé par l'ADN et les histones - la chromatine - fait l'objet de recherches intensives depuis le début des années 1990, c'est que pour transformer en protéines l'information génétique contenue dans l'ADN, il faut pouvoir identifier, sur le manteau d'histones, l'endroit précis où se cache le gène désiré et y ouvrir une brèche. Les chercheurs savent depuis un bon moment que si cette étape ne se déroule pas au quart de tour, les enzymes chargées de copier l'information génétique et de la transporter vers les ribosomes, où sont synthétisées les protéines, ne pourront accomplir leur travail.
Une équipe formée de chercheurs du Centre de recherche en cancérologie de l'Université Laval, de l'Université de Cambridge et de l'Université de Chicago vient de démontrer que ce qui est vrai pour l'expression de gènes l'est tout autant pour la réparation de l'ADN. Dans un récent numéro de la revue scientifique Molecular Cell, Jacques Côté, Jessica A. Downs, Stéphane Allard, Olivier Jobin-Robitaille, Ali Javaheri, Andréanne Auger, Nathalie Bouchard, Stephen Kron et Stephen Jackson décrivent la séquence des événements et le rôle joué par les différentes enzymes qui interviennent dans l'ouverture de la chromatine lors de la réparation d'un bris sur l'ADN. "C'est la première fois que la séquence de ces différentes étapes est décrite, précise Jacques Côté. Nous avons identifié comment les enzymes localisent le site du bris et comment elles ouvrent la chromatine pour laisser passer la machinerie de réparation."
Le chercheur souligne que ce domaine est présentement en effervescence. À preuve, quatre articles portant sur ce sujet sont parus en même temps que le sien dans les publications Cell, Molecular Cell et Science. "C'est un domaine très important parce que ce mécanisme est un facteur crucial qui détermine si l'ADN sera réparé ou non, et quelle sera l'efficacité de la réparation." Les mécanismes de réparation de l'ADN assurent l'intégrité du génome et ils sont appelés à la rescousse lorsque des agents toxiques ou cancérigènes causent des bris sur l'ADN. S'ils ne répondent pas à l'appel, de graves conséquences planent sur la cellule. "Les enzymes qui agissent sur la chromatine ont été impliquées dans plusieurs formes de cancer, souligne-t-il. Plusieurs gènes suppresseurs de tumeur et des gènes oncogéniques dépendent essentiellement de ces enzymes. Par exemple, le gène suppresseur de tumeur p53 est défectueux dans une forte proportion de cancers."
Fait à souligner, la recherche qui a mené à l'article publié dans Molecular Cell portait sur une cassure d'ADN chez la levure. "Les enzymes qui interviennent dans l'ouverture la chromatine chez ce champignon sont les mêmes que celles qu'on retrouve chez l'humain et chez les autres organismes vivants, explique le chercheur. Ces protéines ont été parfaitement conservées au cours de l'évolution, sans doute parce qu'elles interviennent dans des mécanismes fondamentaux de la cellule."
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