Tout est dans tout
De l'infiniment grand à l'infiniment
petit, la matière présente des airs de famille
par Jean Hamann
Il y a quelques mois, alors qu'il surfait sur le Web pour
prendre connaissance des dernières nouvelles scientifiques,
le professeur Rodolfo Slobodrian est tombé, par hasard,
sur une image représentant l'Univers peu de temps après
le Big Bang. En une fraction de seconde, le déclic s'est
produit dans son cerveau. L'image que le professeur du Département
de physique, de génie physique et d'optique avait sous
les yeux ressemblait à s'y méprendre à une
autre qu'il connaissait très bien puisqu'il l'avait lui-même
prise dans le cadre de ses propres travaux. S'il s'étonnait
de leur similitude, c'est que ses recherches portent sur l'infiniment
petit! "Aussitôt j'ai pensé que la ressemblance
entre les deux images n'était pas le fruit du hasard,
qu'il devait exister un dénominateur commun entre les
deux systèmes", rappelle-t-il.
Les deux photos du haut sont des représentations
de l'Univers peu de temps après le Big Bang. Celles du
bas, prises au microscope électronique, montrent des agrégats
d'atomes qui se forment après la pulvérisation
au laser d'éléments métalliques.
L'éditeur de la revue scientifique Chaos Solitons
and Fractals a jugé l'observation du chercheur suffisamment
importante pour lui permettre de l'exposer à la communauté
scientifique dans les pages de son dernier numéro. Dans
cet article, Rodolfo Slobodrian présente d'abord les images
des débuts de l'Univers, produites à partir des
modèles dominants en cosmogonie. La plus récente,
élaborée par les chercheurs Barkana et Loeb, constitue
une interprétation des données amassées
dans le cadre du Sloan Digital Sky Survey, un projet qui vise
à cartographier l'équivalent du quart du ciel,
soit environ 100 millions d'objets célestes. Une autre
image, produite en 1997 par un autre groupe de physiciens, arrive
à une représentation étrangement similaire
des premiers balbutiements de l'Univers.
Ces images montrent des amas de matière très dense
et lumineuse qui ont un point en commun, observe le professeur
Slobodrian: elles sont de nature fractale, c'est-à-dire
qu'elles semblent être le résultat de l'assemblage
d'éléments auto-semblables qui ont les mêmes
caractéristiques que leur tout (un exemple classique de
fractales est celui d'une côte formée d'un ensemble
de baies, elles-mêmes composées d'anses, constituées
de bassins, etc.).
Le professeur Slobodrian présente ensuite les images que
lui et son équipe ont obtenues par microscopie électronique
dans le cadre de leurs travaux portant sur le comportement de
la matière à l'état fractal. Ces images
montrent des agrégats d'atomes qui se condensent à
la suite de la pulvérisation au laser d'éléments
métalliques placés dans un milieu constitué
de gaz inerte. "Nous ne l'avons pas fait consciemment, mais
ces conditions reproduisent celles qui prévalaient au
début de l'Univers", constate le chercheur.
Les similitudes entre les deux groupes de photos l'ont amené
à conclure que les mécanismes qui surviennent à
l'échelle micrométrique sont les mêmes que
ceux qui agissaient à l'échelle cosmique au début
de l'Univers, et que ces mécanismes relèvent de
la physique fractale. "Dans les deux systèmes, les
composantes et les différentes forces en jeu sont les
mêmes. Notre observation confirme l'indépendance
d'échelle de l'Univers", conclut le professeur Slobodrian.
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