
Trois découvertes au palmarès
Québec Science
Des travaux effectués par trois
équipes de l'Université se retrouvent au palmarès
des 10 découvertes de l'année 2004 du magazine
de vulgarisation scientifique
par Jean Hamann
Trois réalisations attribuables à des équipes
de l'Université Laval - la découverte d'une protéine
qui joue un rôle clé dans l'obésité
et le vieillissement, la première greffe de cellules musculaires
chez des patients atteints de la dystrophie de Duchenne et l'élucidation
d'une énigme qui entravait le développement de
la chimie des surfaces depuis 25 ans - figurent au palmarès
des découvertes de l'année 2004 du magazine Québec
Science. Les résultats de la 12e compilation annuelle
des bons coups de la recherche au Québec, réalisée
par l'équipe de ce magazine de vulgarisation scientifique,
sont publiés dans son numéro de février.
La direction du magazine conduit cet exercice annuel - dont elle
reconnaît la relative subjectivité - dans le but
de présenter les résultats de travaux accomplis
par des chercheurs de talent et pour saluer, à travers
eux, toute la recherche scientifique québécoise.
Pour être éligible au concours, une découverte
doit avoir un impact significatif, autant pour l'avancement des
connaissances que pour le bien-être de la société,
et avoir fait l'objet d'une publication dans une revue scientifique
reconnue entre novembre 2003 et octobre 2004.
Cette année, le jury était composé de l'équipe
de rédaction de Québec Science, ainsi que
de Linda Moussakova (Cégep Saint-Laurent), Anne-Marie
Simard (Pixcom), Isabelle Montpetit et Pierre Sormany (Radio-Canada)
et Mathieu Perrault (La Presse). Ces personnes ont eu
la délicate tâche de sélectionner, à
travers tous les dossiers reçus, les dix réalisations
majeures effectuées dans les universités, les entreprises
privées ou les centres de recherche gouvernementaux du
Québec.
Vieillir et grossir: la clé?
Frédéric Picard, professeur à la Faculté
de pharmacie et membre du Centre de recherche de l'Hôpital
Laval, a fait sa marque cette année en publiant, dans
l'édition du 3 juin de la revue Nature, un article
dans lequel il dévoilait l'identité et le mode
d'action d'une protéine qui détiendrait peut-être
le secret du gain de poids qui accompagne le passage des ans.
La protéine en question, nommée Sirt1, possède
"la capacité de percevoir l'état d'activation
du métabolisme de la cellule et d'intervenir dans la mécanique
qui contrôle l'accumulation des réserves adipeuses",
explique le chercheur. Ainsi, lorsque la cellule est privée
de nourriture, Sirt1 diminue l'activité d'une autre molécule
- le récepteur nucléaire PPAR-gamma -, qui joue
un rôle dans l'accumulation des graisses.
Sirt1 semble impliquée dans le vieillissement chez la
levure, les nématodes et les mammifères. De plus,
il semble que sa concentration diminue au cours de la vie chez
les mammifères, ce qui expliquerait peut-être pourquoi
nous prenons du poids avec l'âge et pourquoi des maladies
comme le diabète et l'athérosclérose se
manifestent à mesure que nous vieillissons.
Recherche musclée
Jacques P. Tremblay, professeur à la Faculté
de médecine, et son équipe du Centre de recherche
en neurosciences ont annoncé, en février dernier,
la réussite de la première transplantation de myoblastes
(cellules musculaires) chez des personnes atteintes de dystrophie
musculaire de Duchenne. La méthode sur laquelle travaille
le professeur Tremblay depuis 16 ans a été testée
pour la première fois sur des sujets humains en 2003.
Trois jeunes patients âgés de 8, 10 et 16 ans ont
reçu, par injection, des cellules musculaires normales
provenant de leur père.
Une partie des cellules greffées ont fusionné avec
les cellules déficientes des patients et, par intégration
du gène normal, sont parvenues à synthétiser
de la dystrophine, la protéine dont l'absence est la cause
de la maladie. Les détails de cette expérience
ont été dévoilés dans le numéro
de mars de la revue scientifique Molecular Therapy, dans
un article signé par Daniel Skuk, Brigitte Roy, Marlyne
Goulet, Pierre Chapdelaine, Jean-Pierre Bouchard, Raynald Roy,
Francine J. Dugré, Jean-Guy Lachance, Louise Deschênes,
Hélène Senay, Michel Sylvain et Jacques P. Tremblay.
La dystrophie musculaire de Duchenne, une maladie héréditaire
qui frappe un garçon sur 3 500, cause un affaiblissement
progressif et une dégénérescence musculaire.
La plupart des malades meurent avant l'âge de 25 ans.
Effet miroir
Depuis 25 ans, la compréhension de la mécanique
des réactions qui permettent de synthétiser, par
chimie des surfaces, des composés énantiomorphes
- des molécules qui existent sous deux formes dont l'une
est l'image miroir de l'autre - a fait peu de progrès.
En dépit du fait que de nombreuses équipes travaillent
sur la question à travers le monde, on ne sait tout simplement
pas comment fonctionne la mécanique de ces réactions.
Une équipe du Département de chimie, associée
au Centre de recherche sur les propriétés des interfaces
et la catalyse, pourrait bien avoir réussi à lever
cette embûche.
Dans un article publié en avril dans le Journal of
the American Chemical Society, Peter McBreen, Marc-André
Laliberté et Stéphane Lavoie décrivent comment
ils ont utilisé des techniques sophistiquées de
la science des surfaces pour décortiquer les étapes
clés d'une réaction qui conduit à la production
de composés énantiomorphes à la surface
de platine modifié. "Nous croyons que le mécanisme
que nous proposons pour cette réaction peut être
extrapolé aux autres réactions du même type",
estime l'étudiant-chercheur Stéphane Lavoie. Les
travaux des trois chercheurs touchent un domaine névralgique
de la chimie puisque les applications industrielles et pharmaceutiques
de la production de composés énantiomorphes représentent
un chiffre d'affaires annuel de plusieurs milliards de dollars.
À noter que c'est la deuxième fois en quatre ans
que les travaux de Peter McBreen figurent au palmarès
de Québec Science. Sa découverte d'un matériau
organique qui demeure étonnamment stable jusqu'à
des températures très élevées avait
trouvé une niche au sein du palmarès 2001 du magazine.

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