
Le don d'Edwige
Un texte fort de Wajdi Mouawad, bien servi par
Les Treize, au Théâtre de poche du pavillon Maurice-Pollack
par Pascale Guéricolas
Elle a un don. Chaque fois que qu'Edwige joint les mains,
une eau pure et lumineuse en coule. Jusqu'ici, la pièce
Les mains d'Edwige au moment de la naissance écrite
en 1993 par Wajdi Mouawad ressemble à un conte merveilleux.
L'ennui c'est que la jeune fille vit dans une famille cupide,
avide de l'exploiter pour sortir de sa misère. Le frère
aîné, Alex, profite donc des funérailles
fictives organisées pour sa soeur Esther, disparue depuis
dix ans, pour tenir un grand rassemblement dans le salon familial
et faire payer les curieux lorsque l'eau coulera des mains d'Edwige.
Indignée, cette dernière fuit la foule et se réfugie
dans l'obscurité de la cave car elle refuse de croire
à la mort d'Esther. C'est justement dans ce lieu que les
spectateurs du Théâtre de poche du pavillon Maurice-Pollack
la découvrent.
"L'idée de départ, c'était de voir
la cave comme un utérus car Edwige va quitter l'enfance
au cours de la pièce, alors que sa soeur Esther, finalement
vivante, revient chez elle pour accoucher, explique Lyne Dufour,
la metteure en scène. Des draps en lambeaux pendent du
plafond, tout a l'air instable, en déséquilibre
pour rappeler l'état émotif dans lequel se trouve
cette famille. Je voulais un décor simple pour laisser
toute la place aux mots et mieux mettre en valeur la profondeur
des personnages." La force du texte et son pouvoir d'évocation
fascinent littéralement l'équipe qui a décidé
de monter la pièce. "Je suis tombée en amour
avec la poésie, l'émotion des mots de Wajdi Maouwad",
raconte Cathy Savard qui incarne Edwige. "L'auteur a une
manière belle et légère d'exposer le drame
et le mal-être de cette famille, de contrebalancer l'aspect
parfois noir de l'histoire avec des images très poétiques",
renchérit Lyne Dufour.
Les acteurs ont d'ailleurs beaucoup travaillé sur le texte
avant de se mettre véritablement à jouer, afin
de bien le comprendre dans ses moindres nuances. Ainsi, Cathy
Savard a longuement réfléchi à la bonté
naturelle, à la maturité, à la pureté
d'Edwige à qui elle donne vie. "C'était un
gros défi pour moi, un peu épeurant, précise-t-elle,
car je voulais qu'on comprenne que malgré sa maturité
elle était encore une enfant." Isidore Bouchard,
le père de l'héroïne à la scène,
a lui aussi passé de longues heures à décortiquer
son personnage pour saisir sa dualité. "Très
soumis à sa femme, Mathias a souvent des sursauts de révolte
pour devenir plus honnête, mais j'ai l'impression qu'il
n'arrive pas toujours à s'imposer, note-t-il. J'essaie
donc de le jouer de façon nuancée, pas toujours
passif." De son côté, Olivier Sanquer, l'amoureux
adolescent d'Edwige, voit son personnage comme un messager. "C'est
le seul qui n'appartienne pas à la famille, note le jeune
homme. Il apporte de l'air frais de l'extérieur en ouvrant
la porte car le reste du temps l'atmosphère de la pièce
est très lourde." L'éclairage et l'ambiance
sonore soulignent aussi cette impression de confinement. Dans
la cave, on entend le piétinement sourd des invités
à l'étage supérieur, à la recherche
de la pure Edwige, tandis que le brouillard s'obscurcit et que
les objets et les acteurs disparaissent peu à peu dans
l'obscurité.
La troupe de théâtre Les Treize présente
Les mains d'Edwige au moment de la naissance les 9, 10,
11 et 12 décembre, à 20 h, au Théâtre
de poche du pavillon Maurice Pollack. Les billets sont en prévente
à l'Animation socioculturelle de l'Université Laval,
local 2344, pavillon Alphonse-Desjardins au coût de 10
$ et sur le réseau Billetech (service et taxes en sus).
À la porte, les soirs de représentation, le coût
sera de 12 $.
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