
Pollution maternelle
Les composés organochlorés
qui circulent dans le sang des mères inuites affaibliraient
le système immunitaire de leurs nouveau-nés
par Jean Hamann
L'exposition prénatale aux composés organochlorés
augmenterait le risque d'infections pendant les premiers mois
de vie chez les jeunes Inuits. Les chercheurs Frédéric
Dallaire, Éric Dewailly, Gina Muckle, Carole Vézina
et Pierre Ayotte, de l'Unité de recherche en santé
publique de l'Université Laval, et leurs collègues
américains Sandra et Joseph Jacobson, en apportent la
preuve dans une récente édition de la revue Environmental
Health Perspectives.
L'étude menée auprès de 199 enfants inuits
du Nunavik révèle que le risque d'infections dans
les six premiers mois de vie est, en moyenne, 25 % plus élevé
chez les enfants qui ont eu une exposition moyenne ou élevée
aux organochlorés pendant leur développement embryonnaire
que chez les enfants qui ont eu une faible exposition à
ces mêmes produits. Les chercheurs ont estimé le
degré d'exposition prénatale à partir d'un
échantillon de sang prélevé chez la mère
au moment de l'accouchement.
"Les infections sont la principale cause de morbidité
et de mortalité chez les enfants inuits pendant leur première
année de vie et notre étude met en lumière
le fait que l'exposition prénatale aux organochlorés
constitue un des facteurs qui augmentent le risque de maladies
infectieuses de façon significative", résume
Éric Dewailly. Une augmentation de 25 % peut sembler relativement
modeste mais, "comme le risque de base pour les infections
est déjà très élevé au sein
de cette population, il est difficile d'isoler des facteurs qui
augmentent considérablement les risques", précise
le chercheur.
Infections galopantes
Les infections constituent un problème de santé
publique important au Nunavik: "On s'arrache les cheveux
pour trouver des façons de les enrayer", admet Éric
Dewailly. À titre indicatif, signalons que, pendant la
première année de vie, les infections des voies
respiratoires inférieures (bronchite, bronchiolite, pneumonie)
frappent 73 % des enfants au moins une fois, nécessitant
une hospitalisation dans le tiers des cas. Pendant la même
période, les infections de voies respiratoires supérieures
(pharyngite, laryngite, amygdalite, etc.) frappent 90 % des enfants
au moins une fois et 13 % des enfants à cinq reprises.
Par ailleurs, 96 % des enfants inuits ont un épisode d'otite
et 17 % en ont cinq.
Pendant la grossesse, les enfants inuits sont exposés
aux polluants qui circulent dans le sang de leur mère.
En raison de leur alimentation riche en gras provenant de mammifères
marins, les Inuits du Nunavik détiennent le triste record
de population la plus contaminée au monde par les organochlorés.
Ces produits, transportés sur de longues distances, s'accumulent
dans la chaîne alimentaire et se concentrent dans les graisses
des mammifères marins (phoques, ours polaires, bélugas)
dont se nourrit cette population. Les organochlorés s'accumulent
dans les tissus gras des êtres vivants. Ils peuvent traverser
la barrière placentaire et perturber le développement
du foetus pendant une période où il est particulièrement
vulnérable.
Les solutions à ce problème de pollution diffuse
ne sont pas simples. "Des conventions internationales visant
le bannissement des organochlorés ont été
signées et elles devraient éventuellement conduire
à une diminution des concentrations de ces polluants dans
l'environnement, signale Éric Dewailly. Sur le plan individuel,
il faut continuer à encourager les femmes enceintes à
consommer des aliments peu contaminés par les organochlorés."

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