
Toucher du bois
Un coup de pouce d'Entrepreneuriat Laval aide
la jeune firme Gnocchini et Frères à prendre racine
dans un marché hautement compétitif
par Pascale Guéricolas
Lorsque l'amie de coeur de Mathieu Gnocchini se promène
avec un des sacs à main produits par Gnocchini et Frères,
immanquablement elle attire les regards et les questions. Il
faut dire que les créations de ce diplômé
en aménagement et environnement forestier de l'Université
Laval se démarquent nettement des autres accessoires de
mode. Là où les concurrents utilisent du cuir,
des matières synthétiques, du tissu, le jeune homme
ose l'impensable: produire un sac fait essentiellement de bois,
même si les soufflets sont en cuir. Mieux encore, il n'emploie
aucune teinture ou vernis, ce qui n'empêche pas ses plaquages
d'afficher des violets flamboyants, des blonds profonds, ou des
bruns zébrés. Le secret, l'utilisation de bois
légers comme le zébrano, le bubinga, le palissandre
venus de contrées exotiques comme le Cameroun, la Guinée
ou Madagascar.
Si Mathieu Gnocchini n'avait pas vu le film L'erreur boréale
durant son baccalauréat et s'il n'avait pas passé
un été à arpenter les coupes forestières
à blanc lors d'un stage dans la région de Chibougamau,
il serait probablement ingénieur forestier à l'heure
actuelle. En fait, ces diverses expériences lui ont ouvert
les yeux sur la nécessité de produire des objets
en bois à forte valeur ajoutée, utilisable quotidiennement
par les consommateurs. "Au Québec, on a tendance
à exporter notre bois sous forme de deux par quatre alors
que les gens ont vraiment besoin de contacts avec cette matière
naturelle dans leur vie de tous les jours", explique-t-il.
Avec son frère et associé Simon, il a donc commencé
durant son baccalauréat à travailler sur des articles
de papeterie en bois, comme des cartables albums photos, des
écritoires, des dessus de carnet de notes. Un seul objectif:
la qualité irréprochable des objets réalisés
dans des essences québécoises patinées d'huile
de lin pour mieux préserver le grain, les veines naturelles
du bois et leur ondulation selon la lumière qui l'éclaire.
Cibler les entreprises
Fiers de leurs premiers prototypes, les deux frères
Gnocchini ont poussé un beau matin les portes d'Entrepreneuriat
Laval pour en apprendre davantage sur le monde des affaires.
"Au début, tu vois le marché comme le monde,
mais tu saisis rapidement qu'il faut que tu trouves ta niche
et que tu fasses ton propre cheminement, se souvient Mathieu.
Nos coûts de production nous empêchent de concurrencer
des objets asiatiques bien moins chers dont les boutiques cadeaux
sont pleines." Aidés par Entrepreneuriat Laval, les
deux associés ont planché dès 2001 sur leur
plan d'affaires dans le but notamment d'obtenir une subvention
aux jeunes entrepreneurs octroyée par le Centre local
de développement (CLD). Une quête de longue haleine
puisque après de multiples versions de ce document constamment
remis à jour, ils viennent tout juste d'obtenir la promesse
du CLD de recevoir une aide de 10 000 $. Avec Entrepreneuriat
Laval, le président de l'entreprise a pu également
compléter une formation commencée avec des cours
en sciences de l'administration lors de sa maîtrise en
hydrologie forestière, en s'inscrivant à une série
d'ateliers sur le marketing, la législation, l'exportation,
les marques de commerce. "J'aime beaucoup accumuler des
connaissances, explique Mathieu Gnocchini, car cela donne une
vision globale de l'entreprise. Si un jour j'ai besoin d'explorer
les marchés à l'étranger, je dispose d'une
chemise avec la procédure à suivre et les noms
des personnes ressources."
Les contacts noués par l'intermédiaire d'Entrepreneuriat
Laval lui ont aussi permis de rencontrer des graphistes et de
commander un plan de communication à Préambule
communication, l'agence étudiante présente sur
le campus. Sans compter que les deux frères ont remporté
le premier prix du Concours québécois en entrepreneurship
dans la catégorie "Création d'entreprise".
Aujourd'hui, avec leur marque de commerce Noc, les deux associés
visent la clientèle d'affaires susceptible d'offrir des
présents de qualité personnalisés, ainsi
que le marché de la mode avec ses sacs haut de gamme,
tout en ne négligeant pas les boutiques d'artisanat comme
Les berceuses Dugal à Place royale.
Très engagé dans de multiples réseaux comme
la Jeune chambre économique de Québec ou le regroupement
de micro- et de travailleurs autonomes META, le dirigeant de
Gnocchini et Frères privilégie les contacts personnels
pour convaincre le client de la pertinence de ses produits. Tout
en sachant qu'après y avoir déjà investi
plus de 70 000 $, recueillis principalement au sein du réseau
familial, l'entreprise est encore en recherche et développement
et ne sera sans doute pas rentable avant un an. Les deux frères,
aidés du luthier Dave Lebel, travaillent à améliorer
encore les objets, notamment pour les alléger. Ils prévoient
aussi lancer bientôt deux collections de sacs à
main par an, pour mieux suivre les tendances de la mode. Site
internet: www.noc-noc.ca
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