
Dans une cerisaie
près de chez vous
Nostalgie de fin de siècle et lendemains
incertains: la troupe Les Treize présente le dernier chef
d'oeuvre d'Anton Tchekhov
En cette fin de 19ème siècle, l'été
s'installe doucement en Russie dans la propriété
de Lioubov Andréevna, tout juste revenue de Paris après
cinq ans d'absence. En compagnie de son frère Gaev et
de quelques parents et amis, elle contemple les délicates
fleurs des innombrables cerisiers de la propriété
onduler doucement dans la brise, en passant au passé.
Rien ne semble avoir changé depuis l'âge d'or de
son enfance. Pourtant rien n'est plus comme avant. Lioubov a
dilapidé son héritage au profit d'un amant français,
et la propriété ne rapporte plus autant de revenus
que du temps de ses parents. Aveuglés par la nostalgie,
le frère et la sur refusent pourtant d'adapter leur chère
cerisaie aux nouvelles contraintes de cette Russie moderne en
pleine émergence. "Chacun d'entre nous a sa Cerisaie
intérieure", remarque Rouslan Kats, le directeur
de production de La Cerisaie, en faisant référence
à notre attachement aux lieux évoquant des moments
heureux.
C'est justement l'universalité de l'histoire racontée
par le dramaturge russe Anton Tchekhov (1860-1904) qui l'a incité
à proposer cette pièce à la troupe de théâtre
Les Treize. "Ce médecin de profession porte sur l'humanité
un regard doux et mélancolique, un parfum très
tendre se dégage de ses oeuvres", indique l'acteur,
russe d'origine (voir article en cette page). La metteure en
scène Érika Gagnon a donc choisi un décor
très dénudé pour mieux souligner l'intemporalité
des propos, nappé de blancheur en évocation des
cerisiers en fleurs, en installant la scène à la
même hauteur que le public. Elle a aussi demandé
aux comédiens de se souvenir de leur propre douleur face
à un déménagement, à la vente d'une
maison familiale, au déracinement. "Cela permet de
se rapprocher du personnage, de mieux se l'approprier",
témoigne Nicole Pedneault, qui incarne Lioubov. "Je
me reconnais beaucoup dans son frère, Gaev, l'homme-enfant,
renchérit Denis Giguère. Il a gardé une
pureté d'âme en se montrant détaché
par rapport aux biens de la terre."
En fait, selon Érika Gagnon, chacun des douze personnages
incarnerait une vision différente de la manière
dont la Russie doit accéder à la modernité.
"Avant même de travailler sur scène, nous avons
longuement discuté du contexte de la pièce car
une simple petite réplique éclaire parfois tout
un pan d'histoire", note cette comédienne bien connue
de la scène québécoise. Grâce notamment
à une conférence donnée par le professeur
en études russes Alexandre Sadetsky, l'équipe a
ainsi compris que "les 200 ans de retard" de la Russie,
dont parle l'ancien percepteur du fils de Lioubov, font référence
à l'occupation des Mongols et des Tatars qui a coupé
l'empire du reste du monde pendant deux siècles. De la
même façon, l'arrivée au pouvoir des générations
issues des anciens serfs sonne le glas d'une certaine aristocratie
engoncée dans son ancienne façon de vivre. À
sa manière, La Cerisaie annonce donc les énormes
mutations qui surgiront tout au long du 20ème siècle.
La pièce La Cerisaie sera présentée
les 25, 26, 27 et 28 novembre, à 20 h, à L'Amphithéâtre
Hydro-Québec du pavillon Alphonse Desjardins. Les billets
sont en pré-vente à l'Animation socioculturelle,
local 2344 au pavillon Alphonse-Desjardins, au coût de
10$,( 12$ à l'entrée) ainsi que sur le réseau
Billetech (Service et taxes en sus) ou
www.billetech.com
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