
De la tête au ventre
Les sources de stress et de distraction
contribuent à l'embonpoint
par Jean Hamann
Vous voulez vraiment maigrir? Alors mangez seul, prenez des
repas peu variés, évitez toute nourriture et boisson
devant le petit écran et soyez continuellement stressé.
Évidemment, ce régime d'austérité
ne trouvera jamais preneur, mais les enseignements qu'on en tire
peuvent être saupoudrés çà et là
dans notre quotidien pour mettre plus de chances de notre côté
dans la lutte contre le pèse-personne. Voilà la
leçon qui se dégage des conférences traitant
de l'impact du stress et des distractions sur l'embonpoint, présentées
lors du Mini-symposium sur les enjeux psychologiques et psychiatriques
de l'obésité. Cet événement, organisé
par les responsables du Programme de kinésiologie du Département
de médecine sociale et préventive, a rassemblé
une centaine de participants sur le campus le 10 novembre.
"Le stress continu a un effet anorexique", a d'abord
rappelé Denis Richard, directeur du Centre de recherche
de l'Hôpital Laval et titulaire de la Chaire de recherche
sur l'obésité Donald B. Brown. "Il fait perdre
du poids, peu importe le régime alimentaire et la prédisposition
génétique à l'obésité. Par
contre, un stress intermittent semble suivi d'une période
de surcompensation qui favorise le gain de poids."
Une étude menée par l'équipe de Denis Richard
a d'ailleurs révélé que le cortisol - une
hormone intimement liée au stress qui favorise l'accumulation
des dangereuses graisses viscérales - connaît une
hausse matinale trois fois plus élevée chez les
hommes obèses que chez les hommes de poids normal. Une
autre étude, réalisée par la chercheure
Chantal Michel, a prouvé qu'une seule séance de
stress suffit à provoquer une prise de poids chez les
animaux de laboratoire prédisposés à l'obésité.
"Il semble qu'après une période de stress,
l'augmentation de la prise alimentaire contribuerait à
mettre fin au stress ou préviendrait son retour éventuel",
analyse Denis Richard.
Des expériences menées par Elena Timofeeva et Denis
Richard sur des rats Zucker - des animaux génétiquement
prédisposés à l'obésité -
ont révélé que la privation de nourriture
provoquait une hausse rapide des hormones liées au stress.
"Chez ces rats, il faut aussi peu que trois heures de jeûne
pour provoquer ce stress alors que chez des rats normaux, on
n'observe aucun effet similaire, même après 48 heures.
Les rats Zucker mangeraient continuellement pour prévenir
l'apparition du stress", avance le chercheur.
Le gros écran
Pour sa part, Marion Hetherington, chercheure à l'Université
de Liverpool, a rappelé que la progression de l'obésité
chez les enfants des pays industrialisés est en relation
directe avec le nombre d'heures passées devant le petit
écran. Non seulement les jeunes sont-ils inactifs lorsqu'ils
regardent la télé, mais en plus, ils en profitent
pour manger - en moyenne 155 calories à l'heure - a révélé
une enquête menée auprès de 2 500 adolescents
belges. "Les signaux qui nous indiquent que nous avons assez
mangé surviennent avant la satisfaction des besoins physiologiques.
Tout ce qui nous distrait de ces signaux risque d'entraîner
une surconsommation de nourriture", raisonne la chercheure.
Manger en groupe, consommer des plats variés et regarder
la télé comptent au nombre des facteurs de distraction
qui favorisent les abus, a démontré la chercheure.
Évidemment, il serait peu populaire d'interdire les discussions
autour de la table, de servir le même plat à tous
les repas ou de couper dans les heures passées devant
la télé ou l'ordinateur pour atteindre ses objectifs
de contrôle de poids. "Par contre, ne pas manger ni
boire lorsqu'on regarde la télé serait déjà
un pas dans la bonne direction", a conclu pragmatiquement
la chercheure.

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