Une immersion originale en langue mongole pour des étudiants de la Faculté des lettres par Pascale Guéricolas "Sain bain ôô" (bonjour!), "Sain bain aa" (Ça va bienI!) Il ne manque que la traditionnelle yourte et les hennissements des chevaux pour se sentir véritablement en Mongolie dans une des salles d'enseignement du pavillon Charles-de-Konninck, ce mercredi de novembre. En grande tenue d'apparat, Claude Poirier, professeur de linguistique française, dialogue en effet dans la langue de ce pays avec Sarangerel Tserenpilmarah, sa belle-fille récemment immigrée des grandes plaines asiatiques.
Un peu médusés, les étudiants du cours d'introduction à la description linguistique tentent de suivre la conversation, puis de répondre aux questions posées par la jeune fille. "Le but n'est pas d'apprendre la langue, bien sûr, précise l'enseignant, mais plutôt de mettre les gens en situation de réfléchir à la linguistique et de décortiquer ce qu'ils entendent. Une manière de s'initier à la linguistique d'une autre façon. Au fond, on essaie de recréer en accéléré une situation d'immersion, de la même façon que les anthropologues-linguistes américains le faisaient dans les années trente quand ils arrivaient dans des tribus autochtones." En écoutant les deux protagonistes de toutes leurs oreilles, les étudiants ont fini par repérer certains sons revenant fréquemment au cours des salutations, ainsi que quelques informations sur sa structure. Volontiers économe de mots, la langue mongole se passe souvent de verbes pour mieux aller droit au but. De plus, les consonnes y servent de repères tandis que les voyelles varient fréquemment. L'équivalent du mot "avec" constitue par exemple une locution très utilisée pour indiquer son âge, son statut marital, le nombre de ses enfants. "Rapidement, les étudiants peuvent constater que le mongol se définit comme une langue agglutinante. Autrement dit, les mots y sont formés d'un radical très bref auquel se greffent une série de suffixes univoques qui en précisent le sens et la fonction dans la phrase. Par contre le français se définit comme analytique car la fonction des mots est déterminée par leur place dans la phrase et le jeu des prépositions." Les étudiants qui s'initient à la linguistique ont aussi eu le loisir de se frotter à la langue parlée par les Romains dans l'Antiquité puisque Claude Poirier et son adjointe Gabrielle Saint-Yves leur ont appris la "vraie" prononciation latine en classe, toujours pour les pousser à s'intéresser à la phonologie et à la morphologie d'un idiome qui leur est quasiment inconnu. Pour appuyer cette approche nouvelle de l'apprentissage de la linguistique, les deux enseignants ont mis également en place un forum de discussion sur Internet. Les étudiants peuvent ainsi accéder à des documents supplémentaires tout en discutant de l'orientation à donner à leurs travaux. Une façon pour les linguistes de montrer qu'on peut fort bien enseigner cette matière avec des moyens technologiques très contemporains. | |