
Hors format
Jusqu'au 21 novembre, le livre d'artiste s'éclate
à la Galerie des arts visuels
par Pascale Guéricolas
Cette structure en origami suspendue au plafond? Un livre
d'artiste. La série de reines des fourmis au ventre plein
de mots? Un livre d'artiste. Ce cahier à anneaux géants
où une mannequin sans tête strié de couleurs
se décline sur autant de pages de bois? Encore un livre
d'artiste!
L'exposition des travaux des 13 finissants du microprogramme
de deuxième cycle en édition de livre d'artiste
donné par l'École des arts visuels prouve hors
de tout doute que ce type d'art se moque allègrement des
frontières et s'affranchit avec bonheur de la simple reproduction
de textes écrits dans un format standard.
La première édition du texte écrit par Emmanuelle
Breton compte onze volumes. Particularité inhabituelle
dans le domaine de la publication, le sujet de son histoire se
confond avec le livre qui la porte, autrement dit le récit
à propos de fourmis géantes repose justement dans
une fourmi-objet. "J'ai même poussé la métaphore
jusqu'à les fabriquer dans une matière, la résine,
qui peut brûler la peau, tout comme leur venin susceptible
de provoquer une brûlure", précise la finissante.
Pour lire l'histoire de sa mésaventure avec des fourmis
envahissant son appartement, il faut se munir d'une loupe, sortir
de l'abdomen de l'insecte ses ufs sur lesquels les feuilles du
texte sont collées et les remettre dans le bon ordre.
À quelques pas, le livre-coffret de Lise Vézina
se consulte comme une tranche de vie. Cette détentrice
d'une maîtrise en arts visuels orientée vers la
gravure a utilisé des portraits de sa famille, parfois
très anciens, pour illustrer certains textes tirés
d'Alice au pays des merveilles portant sur l'identité,
le sens et le non-sens, le rapport aux choses. Elle a eu recours
à des procédés utilisant la gravure pour
reproduire ses clichés, ce qui donne souvent une image
altérée. En feuilletant cet épais album
de famille d'aspect ancien, on se sent un peu dans la peau de
l'héroïne de Lewis Carol lorsqu'elle traverse le
miroir et découvre une autre réalité.
"Je trouve la production exceptionnelle, plusieurs des oeuvres
exposées ici pourraient facilement se retrouver dans la
collection de la Bibliothèque Nationale, fait valoir Nicole
Malenfant, la directrice du microprogramme. Je remarque que cette
année le thème de l'identité, de l'intime,
revient fréquemment, mais les artistes prennent soin d'entrer
en contact avec le public." Témoin, le livre-sac
à main de Danielle Giguère, dans lequel on retrouve
des photos de passantes anonymes nous présentant leur
sacoche. Pour compléter cet amusant exercice consistant
à repérer le lien entre ce si précieux accessoire
et sa propriétaire, l'étudiante a inséré
dans la même page un petit mot sur l'objet le plus important
que contient le fameux sac. Une série de clichés
qui parle très simplement du rapport des femmes à
leur intimité et à leur apparence.
Paula Bogati poursuit un peu la même idée, elle
qui a choisi de se mettre en scène à travers une
succession de photos de mode superposées et sur-imprimées
qui n'ont rien des clichés bien léchés de
cette industrie. "C'est un livre d'images qui dit tout et
rien à la fois, explique-t-elle. Je constate simplement
qu'on montre partout le corps, le vêtement, et que même
la peinture revient à la figuration." À noter
que l'exposition abrite aussi une quinzaine de livres d'artiste
de Wendy Simon, décédée récemment.
La succession de cette artiste d'origine britannique a décidé
d'en offrir un nombre important à la Bibliothèque
de l'Université Laval afin que ses oeuvres puissent inspirer
les étudiants dans le futur.
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