De l'or dans les sous-bois
Le potentiel en champignons des forêts
de la Gaspésie, de l'Abitibi et de la Jamésie fait
l'objet d'une vaste étude
par Jean Hamann
Une ambitieuse recherche sur les populations de champignons
forestiers comestibles du Québec sera entreprise sous
peu par une équipe dirigée par le professeur Yves
Piché, du Département des sciences du bois et de
la forêt. Les travaux qui seront menés au cours
des trois prochaines années par cette équipe permettront
de déterminer les milieux forestiers les plus propices
à la récolte commerciale des champignons sauvages
en Gaspésie, en Abitibi et en Jamésie. Grâce
à une subvention de 560 000 $ provenant du Conseil de
recherches en sciences naturelles et en génie, les chercheurs
évalueront également la productivité en
champignons des différents milieux forestiers, ce qui
permettra de définir les paramètres d'une exploitation
durable de cette ressource.
Le financement de ce projet vient répondre aux appels
répétés des chercheurs qui, tout en appréciant
le potentiel économique de la récolte des champignons,
s'inquiétaient des conséquences d'une éventuelle
ruée vers les sous-bois. "C'est garanti que si la
récolte des champignons sauvages est faite sans contrôle,
on risque de détruire la ressource comme on l'a fait avec
l'ail des bois et le ginseng, et cela même si les
champignons ont un cycle de vie beaucoup plus court et moins
exigeant que les plantes de sous-bois, commente Yves Piché.
Par contre, si c'est développé avec intelligence,
il ne devrait pas y avoir de problème et ça va
créer une nouvelle activité économique en
forêt."
Des chiffres
Le potentiel fongique du Québec est encore inconnu,
mais il est monté en flèche l'année dernière
avec le signalement de champignons matsutake dans les pinèdes
à lichen de la localité de Radisson. Une expédition
menée en Jamésie par le professeur J. André
Fortin, sous l'égide du Centre d'études nordiques
et du Centre de recherche en biologie forestière, avait
fait l'étonnante découverte. Le matsutake américain
- ou champignon des pins - peut rapporter jusqu'à 20 $
du kilo au cueilleur et il suffit de trois ou quatre champignons
pour faire un kilo.
Selon J. André Fortin, le potentiel commercial des champignons
forestiers comestibles atteint 10 millions de dollars par année
au Québec et "c'est une évaluation très
prudente", précise-t-il. Il y a cependant un urgent
besoin de mieux connaître ces populations avant de les
exploiter, ajoute-t-il. C'est pourquoi les chercheurs tenteront
d'établir une relation entre le type écologique
de forêt, son âge, son histoire naturelle et les
populations de champignons qu'on y retrouve. "La cartographie
des types forestiers et leur productivité respective vont
nous permettre de chiffrer la productivité des populations
de champignons et de faciliter la logistique de la récolte",
résume J. André Fortin.
Les chercheurs étudieront aussi les conditions qui
influencent la productivité de champignons et, grâce
à des analyses d'ADN, ils tenteront de lever l'incertitude
qui entoure l'identité de certaines espèces qui
poussent en sol québécois. Les travaux porteront
principalement sur les chanterelles, les hydnes, le matsutake
et la dermatose des russules, un champignon qui en parasite un
autre.
L'équipe qui mènera les travaux est formée
de Yves Piché, J. André Fortin, Damase Khasa et
Andrew Coughlan de la Faculté de foresterie et de géomatique
de l'Université Laval, Yves Bergeron (UQAT), Mathieu Côté
(Consortium R&D), Jean-Marc Moncalvo (U. de Toronto), David
Paré (Service canadien des forêts) et Normand Villeneuve
(Ressources naturelles). Fernand Miron, président de l'entreprise
abitibienne Champignons Laurentiens, participe également
à l'étude.
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