Patriotes et romantiques
Joanna Paluszkiewicz-Magner a exploré
la relation de deux poètes nord-américains du 19e
siècle, Louis Fréchette et Henry Longfellow, avec
le mouvement littéraire européen
par Yvon Larose
En choisissant les écrivains Louis-Honoré Fréchette,
un Canadien-français, et Henry Wadsworth Longfellow, un
Américain, comme sujets de sa thèse de doctorat
en littérature québécoise, Joanna Paluszkiewicz-Magner
s'attaquait à deux piliers de la littérature nord-américaine
du 19e siècle. Son étude comparative, dont elle
a fait la soutenance en juin dernier, démontre l'existence
d'un romantisme étasunien et canadien-français.
Elle révèle aussi des convergences significatives
dans le traitement des sujets. Les auteurs étudiés
se réclamaient de la riche tradition littéraire
européenne et ils imprégnaient leurs oeuvres de
couleurs locales pour souligner leur spécificité.
De part et d'autre, la poésie se veut plutôt modérée
et tient compte des goûts et des exigences morales des
lecteurs. "Lorsqu'on parle de romantisme, c'est un thème
comme l'amour qui vient à l'esprit, indique Joanna Paluszkiewicz-Magner.
Mais ce thème n'est pas primordial chez ces auteurs par
rapport, par exemple, à celui de la nature édénique
du Nouveau Monde."
Selon elle, le romantisme, tel que le concevaient les deux poètes,
avait un lien très fort avec l'idée de nationalisme.
"Même que le romantisme est peut-être le prétexte
pour développer l'idée de la littérature
nationale, avance-t-elle. Les deux poètes ont le désir,
ressenti comme un devoir, de contribuer à la légitimation
et à l'épanouissement d'une littérature
nationale dans leur pays respectif. Pour eux, c'est plus la littérature
nationale qui importe vraiment que la réalisation des
idées romantiques. À cette époque, la littérature
était perçue comme la preuve de l'existence d'une
ethnie distincte et accomplie."
Chanter le Nouveau Monde
Fréchette et Longfellow ont écrit dans le plus
pur style romantique importé d'Europe. Ils ont signé
de longs poèmes narratifs à la rhétorique
ampoulée, en d'autres mots des histoires épiques
racontées en vers. Les deux poètes ont chanté
le nouveau continent. Ils ont puisé leur inspiration dans
les grands espaces sauvages, le passé national, la spiritualité
chrétienne et les héros locaux.
Joanna Paluszkiewicz-Magner souligne d'ailleurs l'existence à
leur époque d'une certaine continuité culturelle
entre le Canada français et la Nouvelle-Angleterre. Dans
La légende d'un peuple, Fréchette met en
scène les Français et leurs descendants canadiens
dans la vallée du Saint-Laurent. Le lyrisme, la grandiloquence
et la puissance du souffle sont au rendez-vous, comme en fait
foi cet extrait: "Qu'ils furent longs, ces jours de deuil
et de souffrance!/ Nous t'avons pardonné ton abandon,
ô France!" Dans Evangeline, Longfellow chante
la fidélité de la femme et les anciennes moeurs
acadiennes. Dans The Song of Hiawatha, le héros,
un Amérindien très stylisé, s'éloigne
vers le soleil couchant en recommandant à son peuple de
suivre l'enseignement des missionnaires.
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