
Légendes dorées
Les récits populaires traditionnels québécois
auraient une bonne influence sur les ados
par Renée Larochelle
Enseignante en première secondaire et ayant affaire
à une classe un peu délinquante, Lyne Guimond avait
remarqué que ses élèves se calmaient instantanément
lorsqu'elle leur racontait une légende judicieusement
choisie dans le répertoire québécois. Au
récit de la Chasse-Galerie - ce canot volant permettant
à ses occupants de se rendre à l'endroit de leur
choix - ou de la Corriveau - cette femme condamnée à
être pendue et exposée dans une cage pour avoir
tué son mari en 1763 - les jeunes se taisaient et devenaient
doux comme des moutons. Il n'en fallait pas plus que pour que
Lyne Guimond pousse l'expérience et entreprenne un mémoire
de maîtrise sur l'influence de la légende dans le
développement culturel des adolescents de 12-13 ans.
"Le grand mérite de la légende, c'est qu'il
s'agit de notre histoire racontée et transmise des centaines
de fois, explique Lyne Guimond. Nous ne sommes pas en face d'historiens,
certes, mais ceux qui créent les légendes nous
parlent d'une autre façon de nos racines et nous transmettent
du même coup des valeurs et un héritage."
Durant trois semaines, Lyne Guimond a raconté des légendes
à une classe d'adolescents qui ouvraient tout grand les
yeux à l'écoute de ces histoires où s'entremêlaient
vérités et mensonges. Nuits chez les sorciers,
baisers maléfiques et diables à la langue bien
pendue hantaient ces séances habilement assaisonnées
de notions d'histoire et de géographie. Car une légende
permet de faire le tour d'une région et d'une époque
tout simplement parce que le diable a eu un jour la bonne idée
de passer par Cloridorme en Gaspésie, ou par Shawinigan
en Mauricie, pour ne citer que ces exemples. À l'heure
de la réforme de l'éducation où on accorde
une large place au développement des compétences
transversales, la légende aurait donc son mot à
dire en histoire, géographie et littérature.
La croix noire
"À la fin du projet, les jeunes entretenaient
moins de préjugés envers la vie de leurs ancêtres,
note Lyne Guimond. S'ils avaient une certaine nostalgie face
au passé et aux valeurs familiales véhiculées,
ils réalisaient également qu'ils n'étaient
pas si différents des hommes et des femmes qui avaient
façonné le pays. Le plus beau de tout, c'est que
l'écoute des légendes avait stimulé leur
intérêt pour l'histoire." Au fil de son expérience
avec son jeune public, Lyne Guimond a appris qu'une légende
ne se raconte pas n'importe comment. Il faut avoir le goût
de la transmettre, avoir du plaisir à la dire, ne pas
avoir peur du ridicule et surtout, ne pas connaître la
légende par coeur, pour ne pas tuer la spontanéité
dans l'oeuf.
"On ne sait pas quand on entre dans la légende et
on ne sait pas quand on en sort", révèle Lyne
Guimond, jadis connue dans son école pour être "la
prof à la croix noire", une légende qu'elle
avait inventée à partir de ses propres souvenirs
d'enfance. "Les jeunes embarquaient là-dedans comme
c'est pas possible. Il faut dire qu'il y a toujours un fond de
vérité dans une légende. Ainsi, ma grand-mère
apercevait souvent une croix noire tournoyer dans la maison"
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