
Quand le travail
donne des bleus au coeur
La violence psychologique cause des blessures
qu'il faut panser
Par Renée Larochelle
"L'enfer, c'est les autres", dit Jean-Paul Sartre.
Ceux et celles qui vivent de la violence psychologique au travail
le savent bien, eux qui subissent jour après jour à
huis clos cette situation intenable qui les prive du droit légitime
de travailler dans un environnement sain et sécuritaire.
C'est pour aider et soutenir les personnes qui veulent s'en sortir
mais qui se retrouvent seules dans cette lutte contre une violence
mal comprise et insidieuse que Jacinthe Legros a créé
un programme d'intervention intitulé à bon escient
: "Quand le travail donne des bleus au coeur". À
l'état de projet pour le moment, ce programme s'adresse
aux intervenants oeuvrant dans les organisations où peut
sévir la violence psychologique.
Dans son mémoire réalisé dans le cadre
d'un stage en intervention éducative en groupe à
la Clinique de counseling et d'orientation de l'Université,
Jacinthe Legros suggère deux approches : la première
est centrée sur la capacité de résilience
des personnes ayant vécu un traumatisme, tandis que la
seconde porte sur le pouvoir d'agir des personnes ayant été
victimes d'injustice et maintenues en situation d'impuissance.
Comme autant de points d'ancrage dans l'univers mouvant de la
violence psychologique, Jacinthe Legros propose six ateliers
en petits groupes. Premier pas vers le contrôle de sa destinée
et non le moindre : accepter le fait qu'on est victime de violence
psychologique.
Du silence à la parole
"Souvent, les personnes vont se demander si elles ne sont
pas trop sensibles et si finalement, elles ne se racontent pas
d'histoires", commente Jacinthe Legros. La violence psychologique
portant un dur coup à l'estime de soi, le renforcement
d'être une personne aimable et compétente fait l'objet
du second atelier. Après être passé du silence
à la parole lors du troisième atelier axé
sur l'affirmation de soi, l'individu est invité à
reconnaître sa colère, parfois longtemps retenue
de peine et de misère durant des années. Puis vient
la phase de l'action. À ce sujet, Jacinthe Legros cite
le cas d'un homme victime de violence psychologique qui a fini
par demander une mutation, après avoir pris conscience
qu'il était seul maître à bord de sa vie.
"Il n'y a rien que je puisse changer, disait-il pourtant
quand il a commencé à participer aux ateliers.
À son sentiment d'impuissance a succédé
la volonté de briser les chaînes." Comme point
d'orgue au programme d'intervention, les participants sont invités
à réfléchir au sens qu'ils entendent donner
à leur vie et à leur travail. Fin et suite d'un
retour à soi, à l'air libre.
"Il y a de la violence psychologique au travail depuis
que le travail existe, constate Jacinthe Legros. On a légiféré
les autres formes de violence depuis longtemps. Il est temps
qu'on s'occupe de cette violence qui génère tant
de souffrances chez les personnes agressées."
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