Des nombres et des maux De simples exercices numériques pourraient raffiner le dépistage précoce de la maladie d'Alzheimer par Jean Hamann Ajouter quelques questions relatives aux nombres dans les tests diagnostics de l'Alzheimer pourrait contribuer au dépistage précoce de cette maladie, soutient le professeur Joël Macoir, du Département de réadaptation de la Faculté de médecine. Contrairement à ce que l'on pourrait croire cependant, ce n'est pas parce que cette maladie affecte une région du cerveau responsable du traitement des nombres que les premières manifestations de la maladie peuvent ainsi être détectées, mais plutôt parce que la manipulation de nombres exige plus d'attention que les questions habituellement posées dans les tests neuropsychologiques. Directeur du programme d'orthophonie et membre du Centre Interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale, Joël Macoir a démontré, lors d'une conférence présentée le 30 septembre dans le cadre des Midi-conférences du programme de maîtrise en orthophonie, comment lui et ses collègues s'y étaient pris pour cerner la nature des difficultés numériques que manifestent les personnes atteintes d'Alzheimer. "Le défi consiste à trouver des comportements qui sont propres aux personnes souffrant d'Alzheimer et qui permettent d'établir un diagnostic différentiel", a-t-il rappelé à son auditoire, en guise d'introduction. Les chercheurs ont donc soumis 26 patients chez qui ils soupçonnaient un début d'Alzheimer et 26 personnes en santé à une batterie de tests numériques allant de la simple addition de deux nombres à l'écriture de nombres en chiffres arabes ou en lettres. Ils ont ainsi découvert que toutes les capacités numériques des patients étaient plus faibles que celles des sujets normaux, en particulier pour les exercices de transcodage, c'est-à-dire la transcription d'un nombre écrit en lettres à un nombre écrit en chiffres ou vice-versa (par exemple, "trente-huit" devient "30 8"). Les erreurs de type intrusion, où les patients utilisent simultanément des chiffres et des lettres (par exemple 487 devient 400 80 sept), apparaissent particulièrement révélatrices aux chercheurs parce qu'elles sont presque totalement absentes chez les sujets normaux. 5quante-six? Afin de déterminer si ces erreurs étaient en lien spécifique avec le traitement des nombres, Joël Macoir et ses collègues ont demandé à une patiente d'effectuer un exercice de transcodage ne requérant pas de nombres: elle devait simplement réécrire en majuscules un mot présenté en minuscules. Surprise! Là encore les erreurs d'intrusion surgissent fréquemment, par exemple "régional" devient "RégIOnAL". "Plus l'exercice est complexe, plus il y a d'erreurs", souligne Joël Macoir, qui en conclut que les problèmes des personnes souffrant d'Alzheimer ne sont pas spécifiques aux nombres mais qu'elles révèlent plutôt un déficit d'attention. "Contrairement aux personnes victimes de traumatisme cranio-cérébral qui ont aussi un déficit d'attention, les personnes atteintes d'Alzheimer semblent inconscientes des erreurs qu'elles commettent et elles ne cherchent pas à s'autocorriger", note-t-il. À la lumière de ces résultats, Joël Macoir croit que les cliniciens devraient faire une plus grande place aux nombres dans le dépistage précoce de l'Alzheimer. "Les critères diagnostics de l'Alzheimer au stade intermédiaire sont de plus en plus précis, mais au stade précoce, ils ne sont pas encore très clairs. Certaines personnes consultent parce qu'elles oublient des choses, d'autres parce qu'elles ont des problèmes au niveau du langage ou de l'écriture. C'est très variable. Le recours à des tâches numériques, en particulier celles qui font appel au transcodage, pourrait donc avoir une valeur diagnostique intéressante, mais il faut toutefois les combiner avec d'autres tests", conclut-il.
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