La poésie du quotidienTrois étudiantes en histoire de l'art et en muséologie ont réussi le pari de proposer de l'art contemporain au Mail Saint-Rochpar Pascale GuéricolasPénétrer dans l'exposition d'art contemporain "À l'évidence", c'est un peu comme se retrouver dans un univers domestique légèrement décalé. Il y a bien une chambre. Cependant, les matelas en forme de silhouettes allongées de Marie-Hélène Robitaille qui s'y trouvent ressemblent plus à des propositions artistiques qu'à des couches voluptueuses, ainsi que le buste de femme évidé créé par Stéphanie Corriveau accroché sur le cintre. C'est vrai qu'il y a une cuisine, mais son réfrigérateur ne contient que des fruits peints en bleu et une nature morte, appuyée sur la paroi du fond. Quant au salon peuplé des drôles de personnages en plâtre et d'un ameublement à l'avenant, oeuvres de Florence Leblanc, il tient plus de l'installation que d'un endroit invitant à la détente. Finalement, le but des organisatrices est bien atteint, cela ressemble vraiment à une exposition.
"Nous voulions organiser ce type d'événement pour bien comprendre toutes les facettes d'une exposition, de l'appel d'offres d'oeuvres d'artistes, en passant par la réservation d'un lieu, la publicité, car ce genre d'organisation reste assez théorique dans nos cours", explique Stéphanie Corriveau , étudiante de troisième année en histoire de l'art. "On avait envie par ailleurs de sortir du milieu scolaire et d'avoir un local expérimental oùles gens pas forcément habitués à l'art se sentiraient à l'aise", renchérit sa complice Cindy Veilleux, qui démarre une maîtrise en muséologie. Les étudiantes, appuyées par leur consoeur Lydia Bhérer Vidal ont réussi à dénicher un local désaffecté, situé dans ce qui reste du Mail Saint-Roch. L'atmosphère de cette immense salle aux murs encore bruts et au plancher en béton a visiblement stimulé Francis O'Shaughnessy, spécialisédans la performance depuis qu'il a terminé son baccalauréat en arts plastiques à l'Université Laval. L'esprit des lieux "Les déchets d'un lieu m'inspirent comme ces briques ou cette barre de métal trouvée ici, car cela me permet de me coller vraiment à l'ambiance de l'endroit quand je fais ma performance, témoigne le jeune artiste. Les objets restent là ensuite, un peu comme une installation."Comme lui, une quinzaine d'étudiants en arts visuels àl'Université ou au cégep ont répondu àl'invitation des trois organisatrices qui recherchaient des oeuvres en lien avec le quotidien, mais capables de se démarquer des objets usuels. Roxane Arcand, qui a accompli un baccalauréat en psychologie avant de s'orienter vers les arts visuels, présente ainsi un jeu d'assiettes illustrant certains troubles de l'esprit. En se promenant à travers des étiquettes présentant la schizophrénie ou les personnalités multiples, le visiteur fait le lien avec des morceaux cassés de céramique noire, ou encore l'empilement d'assiettes de différentes couleurs, et la souffrance mentale de certains.
À quelques pas de là, la série de poupées de chiffon de Mélissa Charest, diplômée en arts visuels, décore un mur à la manière destableaux de tissu disposés dans les chambres d'enfant. Sauf que cette membre du collectif des Fermières obsédées a choisi dans sa création de se représenter sans fausse pudeur à différents stades de la journée sur une semaine, parfois dans toute son intimité. Une oeuvre très forte qui souligne bien la différence entre l'artisanat et les arts visuels. Même intérêt pour un quotidien revisité avec Jessie Bédard, une finissante en arts plastiques, qui a disposé sur le sol cent objets aussi banals que des bobines de fil, des boutons, bien alignés. Au visiteur de trouver un ordre dans ce désordre apparent en s'inspirant de la liste affichée. Bonne chance !
L'exposition "À l'évidence" est présentée jusqu'au 10 octobre, au 725, boulevard Saint-Joseph Est, coin Du Pont - sur la gauche en entrant dans le Mail Saint-Roch. Ouverture le mercredi de 12 h à 17 h, le jeudi et le vendredi de 12 h à21 h et les samedi et dimanche de 12 h à 17h.
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