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Une nouvelle vie pour la collection de
virus Félix-d'Hérelle
par Jean Hamann
Après être passée à deux doigts
d'un démantèlement, la collection de virus Félix-d'Hérelle
connaît des jours meilleurs. Le responsable de la collection,
Sylvain Moineau, professeur du Département de biochimie
et de microbiologie de la Faculté des sciences et de génie,
vient d'obtenir 90 000 $ sur trois ans du Conseil de recherches
en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) pour
maintenir ce centre de référence. Cette somme vient
s'ajouter au montant de 34 000 $ sur quatre ans que le Vice-rectorat
à la recherche verse à la collection pour en assurer
le fonctionnement.
Rappelons que la collection Félix-d'Hérelle a été
patiemment mise sur pied par le professeur Hans Wolfgang Ackermann,
de la Faculté de médecine, au fil de trois décennies.
Elle contient quelque 420 espèces de bactériophages
(des virus qui s'attaquent aux bactéries) provenant des
quatre coins du monde. Il s'agit de l'une des deux plus importantes
collections du genre sur la planète. En 2001, à
l'approche de la retraite, le professeur Ackermann s'était
résigné, faute de relève, à transférer
sa collection vers l'ATCC (American Type Culture Collection),
une firme privée américaine qui vend des cultures
de microorganismes à travers le monde. "La collection
Félix-d'Hérelle est unique au monde. Elle contient
des virus qui ne se retrouvent nulle part ailleurs et il fallait
la conserver pour la science, même si ça impliquait
son départ vers les États-Unis", expliquait-il
au Fil en janvier 2002 pour justifier sa décision.
Alerté par cet article, le professeur Moineau intervient
alors "afin d'éviter que Laval ne perde cette collection
exceptionnelle, qui fait partie intégrante de notre patrimoine
scientifique". Les centres de référence, comme
la collection Félix-d'Hérelle, sont indispensables
à la recherche en microbiologie, puisqu'il faut des espèces
bien identifiées et des cultures pures pour réaliser
des travaux fiables.
Spécialiste des bactéries et des virus du lait
- le CRSNG vient d'ailleurs de lui accorder une subvention de
cinq ans totalisant 300 000 $ -, Sylvain Moineau est demeuré
fidèle à la philosophie du professeur Ackermann
en maintenant une politique de distribution à faibles
coûts des virus à la communauté scientifique
internationale. Une professionnelle de recherche, Denise Tremblay,
veille au maintien de la collection et à l'expédition
des phages. Au cours des cinq dernières années,
la collection a fourni plus de 700 échantillons de phages
à des chercheurs de 20 pays. Le Centre de référence
pour virus bactériens Félix-d'Hérelle dispose
maintenant d'un site Web, accessible à partir de la page
www.bcm.ulaval.ca/moineau/.
Virus de référence
Un article, qui vient de paraître dans le numéro
d'août de la revue scientifique Applied and Environmental
Microbiology, illustre bien l'utilité de la collection
Félix-d'Hérelle. La Food and Drug Administration
(FDA) américaine est en voie d'adopter des normes de qualité
en ce qui a trait aux filtres utilisés par l'industrie
biopharmaceutique. Ces filtres doivent être en mesure de
retenir les virus qui pourraient se retrouver dans la chaîne
de production de protéines recombinantes, d'anticorps
monoclonaux ou d'autres produits pharmaceutiques. "Pour
des raisons évidentes de santé, il n'est pas question
d'utiliser des virus humains pour tester les filtres", précise
Sylvain Moineau.
La collection Félix-d'Hérelle a donc fourni à
la FDA un bactériophage, le coliphage PR772, qui ressemble
à certains virus humains en termes de taille et de forme,
mais qui ne pose aucun danger pour l'homme. De plus, les chercheurs
Moineau, Ackermann et Tremblay en ont caractérisé
le génome. "Ce bactériophage est maintenant
un standard de référence pour l'efficacité
des filtres, explique le professeur Moineau. Lorsque les compagnies
qui fabriquent ces filtres auront besoin de tester leurs produits,
elles pourront s'adresser à nous pour obtenir des échantillons
de PR772." L'ampleur de la demande que ce nouveau standard
va générer n'est pas connue pour l'instant.

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