
Tunisie: les élections en question
Selon l'avocat et politicien Ahmed Nejib
Chebbi, le scrutin du 24 octobre est un simulacre
Les arguments ont parfois volé bas lors de la conférence
présentée le 8 septembre sur le campus par Ahmed
Nejib Chebbi, secrétaire du Parti démocratique
progressiste (PDP) tunisien sur la situation des élections
du 24 octobre prochain dans son pays. Il a fallu tout le doigté
et les talents de diplomate de Lise Garon, professeure en communication
publique et spécialiste du Maghreb, pour que partisans
et opposants du régime Ben Ali puissent s'exprimer en
toute quiétude.
Impliqué dans la défense des droits de la personne
en Tunisie depuis près de quarante ans comme avocat, Ahmed
Nejib Chebbi ne se fait aucune illusion sur l'issue de l' élection
présidentielle, qu'il qualifie de simulacre. "À
son arrivée au pouvoir en 1987, Ben Ali a promis qu'un
président ne pourrait briguer plus de trois mandats, explique-t-il.
Il a supprimé cet engagement qui arrivait à échéance
cet automne lors d'une réforme constitutionnelle votée
à la sauvette lors d'un référendum l'an
dernier." Patiemment, le secrétaire général
du PDP a décrit les multiples obstacles qui se dressent
sur la route des partis d'opposition prêts à se
lancer dans la course aux élections. Ainsi, les candidats
potentiels doivent réunir trente signatures parmi les
députés issus à 80 % du parti de Ben Ali
et à 20 % de partis politiques choisis selon leur degré
d'allégeance au pouvoir tunisien, ou encore parmi les
présidents de municipalités tous soumis au parti
au pouvoir.
Un exercice virtuel
Autant dire, dans ces conditions, que la candidature d'Ahmed
Chebbi relève de l'exercice virtuel. "Il s'agit d'une
démarche protestataire pour dénoncer l'illégitimité
du processus électoral, nous appelons le peuple tunisien
à boycotter les élections", explique posément
le juriste. Et de raconter que des irrégularités
entachent souvent le déroulement du scrutin qu'il s'agisse
de vérifier les listes rejetées par les électeurs
lors de leur passage à l'isoloir, ou d'inviter les votants
à déposer le bulletin directement dans l'urne.
Résultats des courses, le président Ben Ali règne
sans partage sur l'appareil politique tout en contrôlant
de près l'appareil judiciaire ce qui bloquerait le développement
du pays, selon le secrétaire général du
Parti démocratique progressiste. Le pays, aux prises avec
une démocratie tatillonne, souffrirait d'un manque d'investissements
car quelques familles proches du pouvoir s'arrogeraient une bonne
partie des prêts disponibles.
Ce portrait d'une Tunisie au visage autoritaire a fait bondir
quelques concitoyens d'Ahmed Chebbi, aujourd'hui installés
à Québec. Se disant fiers du gouvernement en place
et du développement de leur pays de naissance, ces personnes
ont remis en question, parfois avec virulence, les statistiques
du conférencier sur la pauvreté, touchant selon
lui un quart de la population tunisienne, ou l'emprisonnement
d'opposants au régime. "Je préfère
que ces prisonniers à tendance fasciste soient enfermés
plutôt qu'ils déstabilisent le régime",
a ainsi lancé un spectateur. Malgré tout, de nombreux
autres Tunisiens ont apporté leur soutien au candidat
du PDP et appelé de leurs voeux un changement de régime

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