
Singing in the brain
Des chercheurs utilisent le chant pour
mieux comprendre le fonctionnement du cerveau
par Jean Hamann
Même s'ils sont en apparence très liés,
la mélodie et le texte d'une chanson empruntent des canaux
de production complètement séparés dans
le cerveau. Le professeur Joël Macoir, du Département
de réadaptation de la Faculté de médecine
de l'Université Laval, et ses collègues de Montréal
et Sherbrooke, Isabelle Peretz, Sylvie Hébert et Lise
Gagnon, en apportent la preuve dans un article récemment
publié dans la revue scientifique Music Perception.
Les chercheurs ont étudié le cas de G.D., un homme
de 74 ans dont la mémoire et les capacités intellectuelles
étaient intactes, mais qui éprouvait d'importants
problèmes de langage - bégaiement, erreurs phonémiques
et néologismes - , trois symptômes d'une aphasie
progressive primaire. Par contre, en dépit de sa maladie,
cet homme avait préservé sa capacité de
chanter juste.
Les chercheurs ont invité G.D. à répéter
la première phrase de 30 chansons populaires qu'ils lui
soumettaient, soit en la lisant (texte seul), en la fredonnant
(musique seule) ou en la chantant (musique et paroles combinées).
Résultats? Lorsqu'il chantait ou fredonnait, le sujet
reproduisait correctement plus de 90 % des notes de la chanson.
Par contre, il ne parvenait à prononcer de façon
intelligible qu'à peine 60 % des paroles, que ce soit
en chantant ou en lisant. "Le fait de chanter ne l'aidait
pas à mieux prononcer les mots, ce qui va à l'encontre
de la croyance qui veut que le chant améliore la fluidité
du langage. Il semble que la chose soit vraie pour le bégaiement
qui apparaît lors du développement de l'enfant,
mais pas pour le bégaiement neurologique qui résulte
d'anomalies au cerveau comme dans le cas de G.D.", explique
Joël Macoir.
Le sujet G.D. commettait les mêmes erreurs de langage,
peu importe s'il parlait ou s'il chantait, signalent les chercheurs
qui en concluent que les processus de production des paroles
d'une chanson sont les mêmes que ceux qui interviennent
dans le langage parlé. Il semble exister une autonomie
totale entre les mécanismes de production de la mélodie
et des paroles dans le cerveau, comme si la route du langage
était distincte de la route mélodique et qu'une
anomalie de l'une n'affectait pas l'autre.
Les chercheurs soulignent enfin que la combinaison du chant et
des anomalies neurologiques, comme celles dont souffre G.D.,
ouvre une fenêtre sur le cerveau humain par laquelle on
peut observer et mieux comprendre ses rouages normaux et défectueux.

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