Têtes à claques
La version de la série télévisée
"Un gars, une fille" réalisée en France se distingue
par des dialogues plus agressifs
par Renée Larochelle
Que faire pour que règne l'harmonie dans une relation
amoureuse? Comment trouver sa place au sein du couple? Ces questions
existentielles, adroitement exploitées par Guy A. Lepage
dans la série télévisée québécoise
Un gars, une fille, ont trouvé un écho très
favorable en France où la série a été
adaptée en fonction de la culture du pays. Ainsi, à
l'instar de Sylvie et Guy, qui négocient perpétuellement
leur place de gars et de fille au sein du couple, le tandem français
formé d'Alexandra et Jean n'y va pas avec le dos de la
cuiller dans le règlement des conflits. Toutefois, cette
recherche d'équilibre s'effectue de manière plus
agressive chez le couple européen qui affiche une tendance
marquée à utiliser l'insulte et à hausser
le ton quand le temps est à l'orage.
"Comme dans la vie réelle, l'emploi d'un ton menaçant
est plus toléré dans la relation amoureuse des
Français que dans celle des Québécois, constate
Caroline Lacroix, qui s'est intéressée à
la façon dont se construisaient les représentations
de couple en France et au Québec. Pour les fins de son
mémoire de maîtrise en communication publique, l'étudiante
a analysé une cinquantaine de scènes provenant
de la série télévisée québécoise
et autant pour la série française, soit une centaine
d'heures d'enregistrement. Elle y a relevé des différences
culturelles assez marquées. Des exemples? Exaspéré
par le soin que sa conjointe accorde aux travaux ménagers,
Jean attaque en ces termes Alexandra: "Pouf, t'es maniaque
toi, pauvre fille." Aux sports d'hiver, en ski: "On
est les derniers sur la piste. T'es vraiment chiante." Alexandra
n'y va pas de main morte non plus, reprochant à Jean d'avoir
accepté une invitation sans lui en avoir parlé:
"Ah maintenant, tu t'es mis dedans, tu te démerdes.
C'est ton problème Loulou hein!"
Concilation 101
Au Québec, pour tenter de désamorcer un conflit,
Guy et Sylvie vont généralement faire de l'humour,
s'appeler par de petits noms ou se moquer gentiment l'un de l'autre.
À Sylvie qui fait une contre-performance aux quilles,
Guy pardonne candidement : "Oh, ça commence bien
ma belle hein bravo, un beau dalot hein!" Ce qui n'empêche
pas le couple québécois de s'interpeller parfois
assez vertement en cas de mésentente:" Maudit que
t'es plaurine toé. T'es tellement poche là!",
lance Guy à l'adresse de Sylvie. "Ah arrête
monsieur parfait", de répondre la "poche"
en question. Sans compter l'emploi de certains surnoms portant
fatalement atteinte à l'image de l'autre : qu'on pense
à "Miss Technologie" et à "Janette
Bertrand" pour Sylvie, et à "Ti-Jo Connaissant"
et à "Fred Caillou" pour Guy.
Fait intéressant, les rapports de force seraient en quelque
sorte plus équilibrés chez le couple français,
l'homme et la femme ayant développé un degré
de tolérance plus élevé lors des interactions
conflictuelles, d'expliquer Caroline Lacroix. En d'autres termes,
l'un et l'autre se savent capables d'en prendre, alors que le
couple québécois se montrerait plus conciliant
et plus enclin à arrondir les angles. "Au début
de ma recherche, je pensais que c'était Sylvie qui se
faisait manger la laine sur le dos, dit Caroline Lacroix. En
cours de route, je me suis aperçue que c'était
Guy qui écopait dans le couple. Une chose est certaine,
ces différences culturelles ont le mérite de nous
en apprendre sur nous-mêmes. À cet effet, le cas
d'Un gars, une fille est exemplaire."
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