
Serveurs sur le grill
Des chercheurs de la Faculté de médecine mesurent
le niveau d'exposition à la fumée secondaire de
tabac chez les employés de la restauration
Les serveurs qui travaillent dans les restaurants où la
cigarette est autorisée voient leur taux de cotinine grimper
de 22 % pendant leur quart de travail, révèle une
étude exploratoire menée par deux chercheurs de
la Faculté de médecine. Isabelle Tremblay et Fernand
Turcotte ont tiré profit des différences entre
les réglementations québécoise et ontarienne
sur l'usage du tabac dans les lieux publics pour mesurer l'impact
de la fumée secondaire sur les employés de la restauration
de Gatineau et d'Ottawa. En Ontario, l'usage du tabac est interdit
dans les restos alors qu'au Québec, les clients peuvent
fumer dans les sections réservées à cette
fin.
Les chercheurs ont recruté une dizaine de serveurs non-fumeurs
de part et d'autre de la rivière des Outaouais et ils
ont mesuré le taux de cotinine - un marqueur de l'exposition
à la fumée de tabac - dans leur salive, avant et
après leur quart de travail. Non seulement le taux de
cotinine augmente-t-il chez les serveurs québécois
pendant leur journée de travail, mais ce taux est déjà
quatre fois plus élevé que celui des serveurs d'Ottawa
dès l'arrivée au boulot. "La cotinine a une
demi-vie de 17 heures, de sorte que les employés exposés
à la fumée de tabac en accumulent à chaque
quart de travail", expliquent les chercheurs.
Isabelle Tremblay signale avoir eu de la difficulté à
trouver des serveurs qui ne fumaient pas. "La prévalence
des fumeurs chez ces travailleurs est de 75 %, soit trois fois
plus que dans la population en général. Les personnes
sensibles à la fumée environnementale du tabac
évitent sans doute ce type d'emplois", pense-t-elle.
L'existence de sections réservées aux fumeurs ne
protège pas les travailleurs de l'industrie de l'hospitalité
(restos, bars, casinos et hôtels) d'une exposition à
la fumée environnementale de tabac, démontrent
les résultats de cette étude. La situation est
sans doute pire dans les bars où les travailleurs n'ont
même pas accès à la protection partielle
que procurent les fumoirs, croient les chercheurs. "Les
salariés de l'industrie de l'hospitalité sont objectivement
privés d'une protection que notre droit accorde à
tous les autres travailleurs. Il reste à espérer
que la Commission de la santé et de la sécurité
au travail utilisera le pouvoir qui lui est conféré
pour éliminer l'exposition à la fumée environnementale
de tabac de tous les milieux de travail", concluent-ils.
JEAN HAMANN
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