
Conférence AIFA 2004
Vieillesses d'aujourd'hui
Il existe des pays où prendre de l'âge
n'est pas une catastrophe
En Occident, il est de mauvais ton pour un homme de faire
allusion à l'âge d'une femme, surtout si la dame
a plus de 40 ans. En effet, dans une société où
l'apparition des rides constitue un signal d'alarme et marque
le début de la fin, on gomme soigneusement tout ce qui
peut évoquer le vieillissement, du cheveu blanc à
la patte-d'oie. En Afrique toutefois, vieillir ne constitue pas
une tare mais un don de Dieu, un moment privilégié
dans l'existence, une phénomène naturel qui s'inscrit
sereinement dans la ligne de vie. Toute est une question de perception:
là-bas, un individu est considéré comme
"vieux" dès que ses propres enfants atteignent
l'âge adulte. En outre, ce n'est pas l'âge qui détermine
l'heure de la retraite mais bien la condition physique et mentale
de la personne.
"Chez nous, au Burkina Faso, l'âge n'a pas d'importance
et on continue de travailler aussi longtemps qu'on en a la force
et l'énergie", a rappelé Alimata Salambere,
lors d'une table ronde qui a eu lieu dans le cadre de la 1ère
Conférence internationale AIFA-2004 (Association internationale
francophone des aînés), les 9 et 10 juin, sur le
thème du vieillissement dans les sociétés
francophones. Cette table ronde réunissait des spécialistes
d'Europe, d'Afrique et d'Amérique du Nord. "Quand
un vieux quitte la vie professionnelle, il joue le rôle
de conseiller auprès des jeunes et des moins jeunes. Il
devient une sorte de sage, a continué Alimata Salambere,
qui a été notamment ministre de la Culture au Burkina
Faso. On lui doit le plus grand respect et, dans cet esprit,
on ne le laissera jamais mourir seul dans son coin. La personne
âgée est donc naturellement prise en charge par
les plus jeunes."
Vivre chez soi
De son côté, le martiniquais Michel Yoyo a souligné
que l'émigration massive des jeunes dans les années
1960 à cause du chômage avait littéralement
vidé la Martinique d'une partie de sa jeunesse. En 1960,
52 % de la population de ce pays avait moins de 20 ans, comparativement
à 30 % en 2004. Aujourd'hui, si les personnes âgées
pèsent de plus en plus lourd dans la balance démographique,
la majorité souhaite continuer à vivre à
la maison. Le problème est qu'elles vivent seules dans
des logements souvent insalubres, sans aucune aide extérieure.
"Actuellement en Martinique, les jeunes veulent de moins
en moins cohabiter avec leurs parents et leurs grands-parents,
de constater Michel Yoyo. Mais ils sont souvent forcés
de le faire parce qu'ils n'ont pas d'emploi. En même temps,
la famille figure au premier rang de leurs valeurs. Tout n'est
donc pas perdu."
Autre pays, autre murs: au Liban, où 48 % des gens avaient
moins de 25 ans en 2002, les personnes âgées sont
automatiquement prises en charge par la famille. En l'absence
de régime d'assurance-maladie et de maisons de retraite
publiques, on doit payer pour tous les services. Selon Sélim
Abou, la solidarité et l'entraide des valeurs très
fortes au Liban font en sorte que vieillir ne s'y passe
pas trop mal. "La plus grande satisfaction des parents et
des grands-parents est de voir leurs enfants entrer à
l'Université, diplôme en main, prêts à
gagner honorablement leur vie", fait-il valoir.
Le mot de la fin appartient à Alimata Salambere: "Il
faut que les parents élèvent leurs enfants jusqu'à
ce qu'ils aient leurs dents de sagesse et que leurs enfants s'en
occupent jusqu'à ce que leurs parents les perdent."
RENÉE LAROCHELLE
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