Stop aux idées tamponneuses
La psychiatre Annick Vincent publie un ouvrage de vulgarisation
sur l'hyperactivité
On sait depuis un bon moment que de 2 à 10 % des enfants
souffrent d'hyperactivité, le terme populaire qui décrit
le trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité
(TDAH). Ce qui est moins connu est que plus de la moitié
de ces enfants deviendront un jour des adultes hyperactifs. "On
croyait que le problème passait tout seul en vieillissant,
mais le suivi à long terme montre que ce n'est pas le
cas", a souligné Annick Vincent, professeure de psychiatrie
à la Faculté de médecine, lors d'une conférence
publique présentée le 14 mai devant plus de 200
personnes à l'Hôpital Robert-Giffard. "Le problème
est sous-diagnostiqué chez l'adulte, a-t-elle poursuivi.
Souvent, on va s'en rendre compte lorsqu'une personne consulte
pour des problèmes d'anxiété ou de dépression."
La professeure Vincent vient tout juste de publier Mon cerveau
a besoin de lunettes, un ouvrage pour enfants qui vient remettre
les pendules à l'heure au sujet du TDAH. Dans un langage
accessible à tous, la psychiatre y aborde, à travers
le personnage de Tom, un enfant hyperactif, les faits, les préjugés
et les mythes entourant cette maladie. "Je travaille auprès
des adultes et j'ai écrit ce livre à leur demande,
pour les aider à expliquer à leurs propres enfants,
souvent eux-mêmes atteints, la nature de leur maladie."
La part de l'hérédité
L'hérédité explique près de 90
% des cas de TDAH, rappelle Annick Vincent. L'autre 10 % résulte
de séquelles attribuables à des atteintes au cerveau
causées par la prématurité ou par des maladies
comme la méningite. "La façon dont on élève
un enfant n'a donc rien à voir avec le fait qu'il ait
ou non un TDAH, insiste la psychiatre. Par contre, l'accompagnement
qu'on lui accorde fera la différence pour ce qui touche
son estime personnelle et ses attitudes."
La science attribue le TDAH à un manque de neurotransmetteurs.
"Le cerveau d'une personne atteinte ne s'active pas comme
celui d'un individu normal. Elle doit faire des efforts supplémentaires
pour se concentrer sur un sujet, elle a la bougeotte et la parlotte,
ses idées se bousculent comme si elles étaient
zappées par une télécommande dont elle n'aurait
pas le contrôle", explique la professeure.
Les personnes atteintes de TDAH fonctionnent mieux lorsqu'elles
sont stressées - et elles le sont souvent parce que, comme
elles oublient les tâches à accomplir, elles sont
souvent à la dernière minute -, lorsqu'elles fument
abondamment et lorsqu'elles consomment beaucoup de café
ou de cola. "L'adrénaline, la nicotine et la caféine
sont des stimulants qui les aident à pallier leur déficit
en neurotransmetteurs", explique Annick Vincent.
Forte de son expérience clinique, la psychiatre propose
donc, dans son ouvrage, des méthodes pour aider les personnes
atteintes du TDAH. Ces méthodes touchent l'organisation
du temps, de l'espace et de l'environnement de travail. Elle
y aborde aussi la controversée question du traitement
pharmacologique du TDAH à l'aide de psychostimulants comme
le Ritalin. "La pharmacothérapie corrige le fonctionnement
du cerveau comme des lunettes corrigent les problèmes
de myopie, estime-t-elle. L'efficacité des médicaments
est de 70 à 90%, mais ça marche juste si on n'oublie
pas de prendre sa médication!"
Abondamment illustré de dessins d'enfants de l'École
Les Sources, Mon cerveau a besoin de lunettes a été
tiré à 3 000 exemplaires. La presque totalité
de la première édition a déjà trouvé
preneurs, en particulier dans le réseau scolaire qui doit
composer quotidiennement avec le TDAH. Le livre est disponible
en librairie et chez l'éditeur Académie Impact
(www.AcademieImpact.com).
JEAN HAMANN
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