La clé de l'obésité et du vieillissement?
La protéine découverte par le chercheur Frédéric
Picard constitue une nouvelle cible de choix pour contrer certaines
maladies associées au passage des ans
Un chercheur de l'Université Laval vient d'identifier
une protéine qui jouerait un rôle clé dans
l'obésité et dans le vieillissement. Dans l'édition
du 3 juin de la revue Nature, Frédéric Picard,
professeur à la Faculté de pharmacie et membre
du Centre de recherche de l'Hôpital Laval, dévoile
le mode d'action de cette protéine, qui détient
peut-être le secret du gain de poids qui accompagne le
passage des ans.
La protéine en question, nommée Sirt1, possède
«la capacité de percevoir l'état d'activation
du métabolisme de la cellule et d'intervenir dans la mécanique
qui contrôle l'accumulation des réserves adipeuses,
explique le chercheur. Ainsi, lorsque la cellule est privée
de nourriture, Sirt1 diminue l'activité d'une autre molécule
- le récepteur nucléaire PPAR-gamma -, qui joue
un rôle dans l'accumulation des graisses.»
Dans l'article qu'il co-signe avec ses collègues du Massachusetts
Institute of Technology, Frédéric Picard rapporte
avoir réussi à diminuer l'accumulation de graisses
chez la souris en activant Sirt1 à l'aide d'un agent pharmacologique,
le resveratrol. «Ce composé se retrouve à
l'état naturel dans le raisin, ce qui expliquerait peut-être
les vertus du vin rouge dans la prévention de certaines
maladies associées à l'obésité»,
signale-t-il.
Des études antérieures menées chez la levure
et le ver nématode ont démontré que, chez
ces organismes, l'homologue de Sirt1 module leur longévité.
«Cette protéine semble donc impliquée dans
le vieillissement chez la levure, les nématodes et les
mammifères. De plus, il semble que les concentrations de Sirt1
diminuent au cours de la vie chez les mammifères, ce qui
expliquerait peut-être pourquoi nous prenons du poids avec
l'âge et pourquoi des maladies comme le diabète
et l'athérosclérose se manifestent à mesure
que nous vieillissons.»
Jusqu'à présent, Frédéric Picard
a réalisé ses travaux chez la souris, mais la protéine
Sirt1 et PPAR-gamma existent aussi chez l'homme. «Ça
en fait des cibles pharmaceutiques très intéressantes»,
conclut le jeune chercheur.
Déjà auteur d'une vingtaine d'articles, dont certains parus dans
Cell, Molecular Cell and Proceedings of the
National Academy of Science, Frédéric Picard
est évidemment fier de cette première publication
dans Nature. «C'est excitant et gratifiant parce
que la revue touche un large public. J'espère que ça
va inciter des étudiants-chercheurs à se joindre
à mon équipe», commente le jeune professeur
nouvellement embauché à la Faculté de pharmacie.
Détenteur d'un baccalauréat en biologie (1996)
et d'un doctorat en physiologie/endocrinologie (2000) de l'Université
Laval, Frédéric Picard revient au pays après
des deux stages post-doctoraux réalisés à
l'Institut de génétique et de biologie moléculaire
et cellulaire de Strasbourg et au Massachusetts Institute of
Technology de Cambridge. Les Instituts de recherche en santé
du Canada viennent de lui accorder une subvention de trois ans
totalisant 750 000 $ pour la suite de ses travaux.
JEAN HAMANN
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