
Prendre l'hormone ou pas?
Le contexte médical et social influence la prescription
de l'hormonothérapie aux femmes ménopausées:
l'exemple du Québec et de la France
Autre pays, autres moeurs médicales, pourrait-on conclure
après avoir pris connaissance d'une étude qui compare
la prescription d'hormones de remplacement aux femmes ménopausées
par les médecins du Québec et de France. Sylvie
Dodin et France Légaré, de la Faculté de
médecine, Gaston Godin, de la Faculté des sciences
infirmières, et leurs collègues français,
Virginie Ringa, Joanna Norton et Gérard Bréart,
ont comparé les habitudes de prescription de 974 médecins
français et de 452 médecins québécois
pour documenter les différences dans le recours à
l'hormonothérapie de part et d'autre de l'Atlantique.
Pour les besoins de l'étude, les chercheurs ont divisé
la propension des médecins à prescrire l'hormonothérapie
en trois catégories: faible (moins de 30 % des patientes),
modérée (entre 30 et 70 %) et élevée
(plus de 70 %). Leur premier constat, rapporté dans la
revue Menopause de la North American Menopause Society,
est que les médecins québécois sont relativement
plus nombreux à prescrire l'hormonothérapie. Un
pourcentage deux fois plus élevé de médecins
de famille québécois (75 %) que de médecins
généralistes français (37 %) prescrivent
l'hormonothérapie de façon modérée
ou élevée. Chez les gynécologues, cette
différence s'estompe puisque, dans les deux pays, plus
de 90 % d'entre eux prescrivent des hormones de remplacement
modérément ou très souvent. «Il semble
exister une culture commune de traitement entre gynécologues
qu'on ne retrouve pas chez les médecins généralistes,
commente France Légaré. Le fait que les gynécologues
se rencontrent dans les congrès et les forums internationaux
contribuent sans doute à uniformiser les habitudes de
traitements.»
Le fait que des patientes qui présentent des symptômes
communs puissent être soignées si différemment
selon le pays et la spécialité du médecin
consulté soulève de nombreuses questions
Les chercheurs constatent également que l'écart
de prescription entre généralistes et gynécologues
est plus faible au Québec (16 %) qu'en France (59 %).
«Contrairement à la France où les généralistes
ne pratiquent pas en milieu hospitalier, le Québec a instauré
un cadre de formation et de structuration des soins qui favorise
les échanges entre les médecins de famille et les
gynécologues, soulève France Légaré.
Le contexte fait en sorte que la pratique des deux groupes de
médecins s'apparente davantage.»
Le fait que des patientes qui présentent des symptômes
communs puissent être soignées si différemment
selon le pays et la spécialité du médecin
consulté soulève de nombreuses questions. Qui décide?
Sur quelles bases la décision est-elle prise? Les patientes
reçoivent-elles toutes le meilleur traitement possible?
«Selon les autorités médicales canadiennes,
l'hormonothérapie fait partie des traitements de classe
C, c'est-à-dire que les avantages contrebalancent les
inconvénients et qu'il n'y a pas d'évidence scientifique
qui appuie le recours au traitement, exception faite des femmes
qui ont de très graves symptômes», rappelle
France Légaré.
Dans pareil contexte d'incertitude, les valeurs personnelles
des patientes et celles des médecins semblent être
les facteurs qui influencent le plus la décision de traitement,
révèlent d'autres travaux menés par la même
équipe de recherche. «Lorsqu'un médecin ne
peut appuyer sa décision sur des évidences scientifiques,
il doit s'assurer de donner toute l'information possible à
sa patiente et, au besoin, il doit l'aider à clarifier
ses valeurs. Mais, au terme de la rencontre clinique, les valeurs
de la personne qui consulte devraient avoir primauté parce
que c'est elle qui devra vivre avec les conséquences de
la décision», conclut France Légaré.
JEAN HAMANN
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