
Tout un parcours!
Caroline Rodgers est chauffeure d'autobus et
inscrite au baccalauréat intégré en études
internationales et langues modernes
Caroline Rodgers aurait pu enseigner la musique toute sa vie
dans une école élémentaire de la région
de Québec. Mais son existence a pris un nouveau tournant
lorsqu'on lui a appris par téléphone, la veille
du jour où elle devait recommencer à donner ses
cours, qu'elle n'avait plus d'emploi. Après avoir été
tour à tour décoratrice dans une boutique, examinatrice
en assurance voyage et représentante pour une fondation,
cette diplômée de la Faculté de musique qui
ne trouvait pas d'emploi à sa mesure a eu envie d'un peu
de stabilité. «Pourquoi pas chauffeure d'autobus?»
s'est-elle dit tout bonnement, habituée qu'elle était
aux changements d'atmosphère. Quelques mois plus tard,
Caroline Rodgers se retrouvait au volant d'un de ces poids lourds
qui sillonnent les artères de la ville de Québec.
C'était il y a cinq ans.
«Conduire un autobus, c'est suivre à la fois un
cours de psychologie, de sociologie et de communication, révèle
Caroline Rodgers. On doit constamment s'adapter.» Son plus
beau souvenir, elle l'a vécu lors du Sommet des Amériques
en 2001. «C'était le bordel, et j'adorais ça,
lance t-elle spontanément. Tous mes parcours étaient
détournés. Je transportais beaucoup de manifestants,
tellement plus sympathiques que l'image qu'on en donnait au bulletin
de nouvelles! J'ai parlé avec eux, ils ont joué
du tam-tam dans mon autobus, ils ont même chanté!
Pour moi, ces gens-là ne pouvaient pas être dangereux.
Ils payaient même leur passage rubis sur l'ongle - ce qui
n'est pas toujours le cas de tout le monde - et ils me saluaient
en entrant. J'ai transporté une fille qui allait voir
son petit ami qui venait de se faire arrêter, à
la prison d'Orsainville. J'ai aussi travaillé l'intérieur
du périmètre de sécurité. Certains
hommes en complet-veston voulaient que je fasse un détour
pour les déposer à la porte de leur restaurant.
Ça sentait encore le poivre de Cayenne, les rues étaient
désertes. Après ça, je me suis demandée
si le traitement des événements dans les médias
nous avait montré le vrai visage du Sommet. Si c'était
à refaire, j'irais manifester avec eux!»
Frissons à l'ONU
Cette anecdote témoigne de la passion de Caroline
Rodgers pour tout ce qui se touche à l'actualité
et à la politique. Inscrite depuis peu au baccalauréat
intégré en études internationales et langues
modernes, elle a fait partie de la délégation des
27 étudiantes et étudiants de l'Association de
la Simulation des Nations Unies à l'Université
Laval qui s'est rendue à New York récemment. «J'ai
eu des frissons en pénétrant dans la grande salle
de l'ONU. C'était tellement impressionnant, tellement
grandiose». Poussant plus loin l'expérience, la
jeune femme a même écrit dans ce journal un article
remarqué sur son séjour là-bas, avec photos
à l'appui. En effet, si elle n'a pas la langue dans sa
poche, Caroline Rodgers possède aussi une excellente plume,
un talent qu'elle entend bien mettre à profit un jour.
«J'ai toujours voulu être journaliste. Toute petite,
mon plus grand plaisir était d'écrire des histoires
et de les illustrer de dessins.» Son rêve: devenir
correspondante à l'étranger. C'est dans cette optique
qu'elle envisage d'entreprendre un certificat en journalisme,
quand ses nombreuses activités le lui permettront.
À en juger par la volonté et le dynamisme qui émanent
de sa personne, les chances sont élevées de voir
un jour Caroline Rodgers faire un reportage directement d'un
pays en guerre, à la télévision ou dans
les journaux. À cet égard, elle souligne que son
travail de chauffeure d'autobus l'a immunisée contre le
stress. Ainsi, le soir de l'Halloween, des jeunes sans doute
un peu éméchés ont lancé une énorme
citrouille qui a littéralement explosé dans sa
fenêtre. Si les passagers qui se trouvaient dans l'autobus
se sont mis à crier, Caroline, elle, n'a eu qu'un battement
de paupières. D'un ton rassurant, elle a invité
les gens à ne pas paniquer. «Avec le temps, j'ai
appris à prendre les choses calmement. La vie m'a appris
que tout ce qui nous arrive n'arrive pas pour rien.»
RENÉE LAROCHELLE
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