 Communication Sois belle, et t'es toi Dans les magazines québécois pour adolescentes, rien ne compte plus que l'apparence Pour être «in» quand on est ado, il faut être belle et avoir un chum. C'est du moins le message que véhicule la presse féminine pour adolescentes au Québec. Que les jeunes filles de 12 à 17 ans se le tiennent pour dit: la réalisation de soi passe, d'abord et avant tout, par l'apparence et la présence d'un petit ami dans leur vie. Point à la ligne. Telle est l'une des conclusions à laquelle est arrivée Caroline Caron dans son mémoire de maîtrise en communication publique. Après avoir analysé le contenu de douze numéros des populaires magazines Cool, Adorable et Filles d'aujourd'hui publiés au cours de l'année 2002, la chercheure a constaté que près de 65 % des articles y parlaient de l'apparence, des garçons et des relations hommes-femmes. Si 32 % des articles touchaient à des facettes du développement personnel, les questions sociales et politiques étaient quasi absentes (2,8 %). Les relations avec les parents étaient rarement traitées; si d'aventure elles étaient abordées, c'était toujours sous l'angle du conflit. Enfin, les messages sur la vie de couple tendaient à confier la responsabilité de la réussite amoureuse aux jeunes filles. «À la lecture de ces revues, on a l'impression que les jeunes filles sont coupées du monde de la réalité extérieure, remarque Caroline Caron. En effet, l'identité est limitée à la dimension personnelle. Le rôle de l'école dans le développement personnel et social, celui de l'activité physique dans la santé, de même que les modèles identitaires progressistes ne sont pas mis explicitement en évidence.» L'éducation avant la censure Fidèle reflet du contenu des articles, la publicité renforce cet univers narcissique où la jeune fille est le nombril du monde. Ainsi, plus de la moitié des publicités (52 %) faisait la promotion d'entreprises du domaine de l'apparence (produits de beauté, mode, coiffure, etc.), tandis que 36 % portait sur l'industrie du divertissement, surtout des vedettes du monde de la musique. La promotion de la santé, de la contraception, des sports, de la formation scolaire ou de la gestion financière constituaient les parents pauvres du corpus publicitaire. Dans les photographies en général, les femmes figuraient sept fois plus souvent que les hommes dans un environnement domestique, renforçant l'idée que la féminité se définit dans le privé. «Photographiés de très près, les modèles féminins figuraient dans des plans rapprochés qui suggèrent des préoccupations intimes et personnelles, constate Caroline Caron. Les hommes étaient quant à eux représentés plus souvent que les femmes dans un environnement extérieur, appuyant l'idée que la masculinité se définit avant tout dans la sphère publique.» Selon Caroline Caron, il n'existe pas à proprement parler de magazines masculins pour ados. Dans une revue plus «masculine» dédiée à la musique rock, par exemple, on pourra lire des articles sur les sports et apercevoir des photos de jeunes branchés s'éclater en planche à neige. Une chose est certaine: les chances sont minces d'y trouver un article intitulé «Comment faire l'amour pour amener ma blonde au septième ciel.» Que faire donc si votre fille de 13 ans apporte la revue Adorable à la maison et se plonge dans la lecture d'un article sur la coloration des cheveux ou sur la meilleure façon de faire jouir son chum à peine plus âgé qu'elle? «Je crois davantage à l'éducation qu'à la censure, affirme Caroline Caron. Les magazines sont très importants pour les jeunes filles. Il faut leur laisser choisir leurs modèles, mais rien n'empêche le parent de feuilleter la revue en question avec l'adolescente et de discuter avec elle des rôles sexuels qui y sont véhiculés, par exemple.» RENÉE LAROCHELLE
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