
Aux armes, citoyens!
À Marseille comme à Québec,
les comités de quartiers luttent pour le juste et le bien
«Si nous ne le faisons pas, alors qui le fera?»
C'est généralement la raison qu'évoquent
les personnes pour justifier leur engagement au sein de comités
de citoyens. Si la lutte contre les injustices sociales et la
possibilité de participer à la vie de la cité
constituent des incitatifs communs, les comités de citoyens
présentent toutefois des différences dans leur
fonctionnement, leur culture et la façon dont ils sont
perçus, selon qu'on soit en France ou au Québec.
C'est ce qu'a découvert, entre autres, Caroline Patsias
en analysant le contenu des réunions hebdomadaires de
deux comités de citoyens, les unes se déroulant
dans le quartier Saint-André de Marseille et les autres
dans le quartier Saint-Sauveur à Québec.
«Au Canada, les groupes de citoyens sont traditionnellement
associés à la gauche, voire à l'extrême
gauche», souligne Caroline Patsias dans sa thèse
de doctorat en science politique qui lui a d'ailleurs valu de
remporter récemment le Prix de la Fondation Jean-Charles-Bonenfant.
«Les groupes de citoyens ne représenteraient au
mieux que les intérêts des classes populaires, au
pire, ceux des pauvres ou des marginaux. En France, la critique
est pour ainsi dire inverse. Les membres des comités sont
étroitement associés à la défense
des intérêts des résidents et plus généralement
de la propriété et des bien-pensants.»
Une autre différence constatée entre les groupes
marseillais et québécois tient à la hiérarchisation
des rapports entre les membres, qui serait moins marquée
à Marseille qu'à Québec, à cause
notamment de la présence d'un "permanent", c'est-à-dire
d'un employé travaillant à temps plein. Si le président
de comité de quartier marseillais dispose d'un leadership
et d'une prééminence qui le distinguent des autres
membres, le permanent québécois, lui, est vu comme
une référence, voire une autorité. «Le
permanent a parfois des allures de maître d'école
et l'ambiance au sein des groupes québécois et
marseillais peut donc être très différente,
note Caroline Patsias. Si la présence de permanents atteste
d'une professionnalisation plus importante à Québec,
cette même professionnalisation a pour contrepartie de
créer deux catégories de membres et d'instaurer
une hiérarchie officieuse au sein du groupe.»
De façon unanime, les membres des deux groupes pensent
que leur implication et leur actions peuvent faire avancer certains
problèmes du quartier. Considérant leur engagement
comme une pierre ajoutée à l'édifice de
la démocratie, ils envisagent leur engagement comme une
nécessité. Cet engagement leur apporte satisfaction,
contentement et finalement «un peu de bonheur». En
participant aux activités de comités, remarque
Caroline Patsias, les membres ont le sentiment de vivre conformément
à leurs valeurs, à ce qu'ils considèrent
comme juste et bien." À l'heure des fusions et des
défusions municipales, la chercheure estime que le débat
émotif prime largement sur l'argument économique.
«Comment fixer les conditions du sentiment d'appartenance
pour un groupe, là est la question.»
RENÉE LAROCHELLE
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