
Des biocapteurs anti-terrorisme
Mise au point d'un outil ultrasensible de dépistage
des microorganismes infectieux
Il y a un an, une équipe multidisciplinaire de l'Université
Laval annonçait la mise au point d'une méthode
optique permettant de déterminer si un échantillon
contenait une séquence donnée d'ADN. Déjà,
cet outil s'annonçait comme une arme potentielle de choix
pour le diagnostic rapide de microorganismes infectieux et pour
le dépistage de maladies génétiques. Grâce
aux améliorations apportées depuis à cet
outil, la même équipe vient d'annoncer, coup sur
coup, dans les numéros de janvier et de mars de la revue
scientifique Journal of the American Chemical Society,
qu'elle avait repoussé la sensibilité de cette
méthode à un seuil inégalé.
En effet, Kim Doré, Sébastien Dubus, Hoang-Anh
Ho, Isabelle Lévesque, Maryse Brunette, Geneviève
Corbeil et Mario Leclerc, du Centre de recherche en sciences
et ingénierie des macromolécules, Maurice Boissinot,
Guy Boivin et Michel G. Bergeron, du Centre de recherche en infectiologie,
et Denis Boudreau, du Centre d'optique, photonique et laser,
viennent de démontrer que leur test ne nécessite
que quelques centaines de molécules d'ADN ou d'ARN pour
livrer son verdict. "Dans certains cas, 200 à 300
copies suffisent alors que la cible visée par le marché
des tests diagnostics est de l'ordre de 1000 molécules
ou moins", précise Mario Leclerc. L'accroissement
de la sensibilité du test enregistré au cours des
derniers mois est attribuable à la construction d'un fluorimètre
que Denis Boudreau a spécifiquement conçu à
cette fin.
Ce qui emballe le plus Mario Leclerc est que, contrairement aux
autres tests, leur méthode s'est affranchie de l'étape
d'amplification de l'ADN - une procédure délicate
qui consiste à multiplier le nombre de copies d'ADN à
l'aide de l'enzyme PCR -, ce qui en simplifie grandement l'utilisation,
autant au laboratoire que sur le terrain.
Lutte au bioterrorisme
Le test mis au point par les chercheurs de l'Université
Laval consiste à créer une sonde complémentaire
à une séquence de nucléotides spécifique
à la bactérie ou à la mutation recherchée.
Cette sonde est placée dans une solution qui contient
des extraits d'ADN, à laquelle les chercheurs ajoutent
un polymère coloré de la famille des polythiophènes.
"Quand la sonde et l'ADN sont complémentaires, ils
s'apparient et le polymère s'enroule autour d'eux, ce
qui modifie sa structure tridimensionnelle et ses propriétés
optiques, explique Mario Leclerc. Lorsqu'il y a suffisamment
d'ADN, le changement est visible à l'oeil nu. Dans le
cas contraire, il faut procéder à des mesures de
fluorescence."
La réaction exige quelques minutes à peine, elle
ne nécessite pas de traitement important d'ADN et elle
est, somme toute, peu coûteuse. "Notre approche s'annonce
très pratique dans les pays ou les régions qui
ne disposent pas de l'infrastructure nécessaire pour séquencer
des gènes", fait valoir Mario Leclerc. Elle pourrait
aussi s'avérer utile dans la lutte au bioterrorisme, ajoute-t-il.
D'ailleurs, Défense Canada a accordé 1,7 M$, répartis
sur trois ans, à Mario Leclerc, Denis Boudreau et Michel
Bergeron pour adapter leur méthode au dépistage
d'agents infectieux qui pourraient être utilisés
par des bioterroristes. Une partie de la subvention de 12,6 M$
récemment accordée par Génome Canada à
l'équipe de Michel Bergeron servira à poursuivre
les travaux sur les biocapteurs polymères et sur leur
utilisation dans la détection optique de l'ADN.
JEAN HAMANN
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