Dans une galaxie près de chez vous?
La recherche de vie extraterrestre alimente
les débats des astrophysiciens
Depuis la nuit des temps, l'homme a sondé le ciel,
hanté par l'éternelle et troublante question: sommes-nous
seuls au monde? Mais l'univers est si vaste et la vie y est si
rare qu'une autre question, plus pratique celle-là, s'impose
aussitôt à l'esprit: où faut-il chercher
pour trouver la réponse? C'est cette interrogation qui
a occupé le coeur des échanges du dernier Bar des
sciences, présenté le 14 avril par le magazine
Québec Science et le Cégep Limoilou, au
café Loft de Québec. Chacun des trois astrophysiciens
invités pour l'occasion avait son idée sur l'endroit
où il fallait commencer la battue.
Exobiologiste, membre de la Commission internationale de bioastronomie
et directeur de recherche en biophysique moléculaire au
CNRS, André Brack ne croit pas aux petits hommes verts
avec des antennes et il n'en cherche pas. Ses ambitions sont,
en apparence du moins, beaucoup plus modestes. «Nous cherchons
des formes de vie primitive et découvrir une bactérie
fossile sur une autre planète nous remplirait de joie»,
confesse-t-il. Si ses recherches portent sur la piste bactérienne,
c'est, explique-t-il, parce qu'il s'agit de la forme de vie la
plus simple, que la vie sur Terre est demeurée bactérienne
pendant plus de 3 trois milliards d'années, que ces organismes
ont la capacité de survivre dans des milieux totalement
inhospitaliers et qu'il n'y a pas d'absolue nécessité
que la vie évolue vers des formes d'organisations plus
complexes. «C'est pourquoi nous cherchons des traces de
bactéries ou encore des molécules complexes. En
sachant ce que l'on cherche, on augmente nos chances de trouver
des formes de vie extraterrestre», plaide-t-il.
La piste planète
Mais encore faut-il savoir où traquer ces formes de
vie primitive et Laurent Drissen, professeur au Département
de physique, génie physique et optique à l'Université
Laval, avait des nouvelles fraîches pour la cinquantaine
de personnes qui participaient à l'événement.
«Depuis 1995, les chercheurs ont découvert 120 planètes
à l'extérieur de notre système solaire,
a-t-il rappelé. Ils en ont même trouvé deux
autres ce matin (et une autre depuis!). Ça va vite!»
Selon l'astrophysicien, chercher des planètes qui risquent
d'abriter des organismes vivants constitue la première
étape logique de la quête de vie extraterrestre.
Cependant, aucune des 123 planètes hors système
solaire découvertes jusqu'à présent ne réunit
les conditions gagnantes pour abriter la vie. «Les outils
de recherche actuels repèrent uniquement de très
grosses planètes peu favorables à l'apparition
de la vie. Lorsque les méthodes de détection permettront
de trouver et d'observer des planètes semblables à
la Terre, il sera possible d'obtenir des images et des spectres
grâce auxquels on pourra déterminer si elles abritent
ou non des formes de vie.»
L'infime probabilité qu'une planète réunisse
toutes les conditions propices à l'apparition de la vie
est contrebalancée par le nombre astronomique de planètes
dont on soupçonne l'existence là-haut. Jusqu'à
présent, les chasseurs de planètes ont fait mouche
avec 12 % des étoiles qu'ils ont étudiées.
"Si on extrapole cette donnée à l'ensemble
de notre galaxie, il y aurait 10 milliards de planètes
dans la Voie lactée seulement", souligne Laurent
Drissen.
E.T. téléphone maison
Si la recherche de vie extraterrestre était une partie
de baseball, la démarche entreprise par Yvan Dutil équivaudrait
à s'élancer pour un grand chelem après deux
retraits à la neuvième manche de l'ultime partie
des Séries mondiales. Détenteur d'un doctorat en
astrophysique de l'Université Laval, ce chercheur est
le co-auteur d'un message radio expédié en mai
1999 à partir du radio-télescope d'Evpatoria en
Ukraine. Ce message, destiné à d'éventuelles
civilisations extraterrestres, contient l'équivalent de
23 pages de données sur le système solaire, la
Terre, les mathématiques et la physique. "En raison
de la dimension de l'Univers, je n'espère pas de réponses
avant 100 ans", admet le pragmatique et patient chercheur.
L'inévitable question de la pertinence d'investir des
fonds dans la recherche de vie extraterrestre - qu'elle soit
bactérienne ou intelligente - a refait surface lors des
échanges avec l'auditoire. "Ces discussions reposent
sur la fausse prémisse que ces recherches coûtent
cher, soulève Laurent Drissen. Les missions martiennes
Spirit et Opportunity ont coûté 800 M$ sur dix ans
aux Américains, soit 80 M$ par année. C'est très
peu par rapport au budget annuel des États-Unis, dont
le déficit anticipé cette année est de 550
milliards de dollars. C'est également bien peu par rapport
au coût de la guerre en Irak."
JEAN HAMANN
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