Elles retrottent!
Le chercheur Pierre Guertin réussit à
restaurer temporairement la locomotion chez des souris paraplégiques
À l'aide de drogues qui imitent certains neurotransmetteurs
produits par le cerveau, un chercheur du Centre de recherche
du CHUL est parvenu à restaurer, pendant une à
deux heures, la marche chez des souris qui avaient perdu l'usage
de leurs pattes postérieures. "Mes travaux ne permettront
pas aux paraplégiques de retrouver leurs capacités
motrices", précise d'entrée de jeu Pierre
Guertin, afin de ne pas créer de faux espoirs chez les
personnes paralysées. "Par contre, ils pourraient
les aider à prévenir certains effets secondaires
de la paralysie sur leur santé, notamment l'ostéoporose,
l'atrophie musculaire ainsi que les problèmes immunitaires,
hormonaux, cardiovasculaires, pulmonaires et sexuels."
Grâce à des injections de neurotransmetteurs - la
quipazine et la L-Dopa -, le chercheur de la Faculté de
médecine a réussi à restaurer des mouvements
de marche chez près de 80 % des souris de laboratoire
rendues chirurgicalement paraplégiques par sectionnement
de la moelle épinière au niveau du thorax. "Le
cerveau agit comme interrupteur pour initier ou terminer la marche,
mais le contrôle des contractions musculaires des membres
postérieurs est assuré par des neurones de la moelle
épinière, situés au niveau lombaire, explique
le chercheur. Les drogues que nous utilisons ne guérissent
pas les cellules endommagées, mais elles imitent les neurotransmetteurs
produits par le cerveau. Par voie sanguine, ces drogues atteignent
les neurones de la moelle responsables du contrôle de la
marche et elles les activent."
Sur tapis roulant
Chez les personnes paraplégiques, les neurones "locomoteurs"
seraient maintenus en état de "veille" parce
qu'ils ne reçoivent pas de signaux déclencheurs
en provenance du cerveau, explique le chercheur qui vient de
publier les résultats de ses travaux dans Neuroscience
Letters et Spinal Cord. Les taux de succès
qu'il y rapporte avec la quipazine et la L-DOPA sont supérieurs
à ceux qui avaient été enregistrés
avec une autre drogue testée il y a quelques années,
la clonidine. Autre avantage, les effets secondaires de ces deux
produits devraient être moins importants que ceux de la
clonidine, anticipe-t-il.
À moyen terme, le chercheur compte pallier les contrecoups
de la paralysie en déclenchant des épisodes de
marche sur tapis roulant chez des personnes paraplégiques.
La stimulation physiologique produite par la marche préviendrait
les répercussions de la paralysie sur les différents
systèmes du corps, espère-t-il. La prescription
d'exercices reste à définir, mais "je pense
que trois séances par semaine pourraient produire l'effet
escompté", avance-t-il.
Pierre Guertin souhaite entreprendre les essais cliniques chez
des sujets humains dans les cinq prochaines années. D'ici
là, il mettra à l'essai d'autres drogues imitant
les neurotransmetteurs du cerveau de façon à identifier
le meilleur candidat possible pour augmenter les chances de succès
de ce traitement.
JEAN HAMANN
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