Milner: l'instruction du citoyen
Président de la Société québécoise
de science politique, professeur au Collège Vanier, Henry
Milner est également professeur associé au Département
de science politique de l'Université Laval. Auteur de
nombreux ouvrages dont La réforme scolaire au Québec
(1986), il vient de nous offrir - aux Presses de l'Université
Laval - ses plus récentes réflexions sur le rôle
du citoyen dans la démocratie contemporaine, à
travers la traduction par Olga Berseneff de Civic literacy
(University Press of New England).
Publié dans la collection Prisme que dirige Guy
Laforest, l'essai La compétence civique (Comment les
citoyens informés contribuent au bon fonctionnement de
la démocratie) affiche bien son programme dès
son titre. Prenant acte du désengagement de la population
à l'égard de la politique, phénomène
visible dans la baisse générale de la participation
aux élections, l'auteur veut rappeler combien cet état
de fait ruine les fondements même de la démocratie.
Sa vision du problème conditionne la solution qu'il entend
proposer: supposant que l'affaiblissement des connaissances politiques
des citoyens soit la cause de leur désintérêt,
seule une initiative d'éducation et d'information pourra
renverser le mouvement.
Fruit d'une vingtaine d'années de recherches, l'essai
de Milner s'appuie sur des observations à propos de quinze
pays d'Europe et d'Amérique du Nord, en plus de l'Australie
et de la Nouvelle-Zélande, dans une comparaison entre
les murs civiques de leurs sociétés. «J'ai
cherché, dit l'auteur en avant-propos, à comprendre
ce qui permet aux États-providence de survivre et de s'adapter
- ce qui les rend durables.»
Après avoir décrit les liens entre l'engagement
civique, le capital social et la connaissance politique (chapitres
1, 2 et 3), Milner effectue la cartographie des sources de compétence
civique (chapitres 2, 3 et 4) en portant notamment attention
au rôle et à l'influence des médias, puisque
" ce sont, d'abord et avant tout, le système scolaire
et les médias qui affectent directement la capacité
des citoyens à assimiler les connaissances politiques.
" La baisse du lectorat des journaux et la hausse d'auditoire
du divertissement télévisuel sont ainsi vues comme
des causes d'affaiblissement de la conscience civique - bien
qu'un débat soit toujours en cours autour de cette influence
supposée néfaste de la télévision.
Les deux autres parties du livre (chapitres 8 à 15) sont
l'occasion de mettre en lumière les cas particuliers de
la Nouvelle-Zélande et de la Suède, où Milner
était jusqu'à tout récemment professeur
invité ; ce qui mène à un regard prospectif
sur les défis posés au Canada et au Québec
pour le XXIe siècle. Qu'en est-il de «l'avenir des
sociétés fondées sur le bien-être
durable», selon la formule de Milner? Chose certaine pour
l'auteur, cet avenir dépend de la distribution des ressources
intellectuelles aussi bien que matérielles. Pour ceux
qui voudront poursuivre la réflexion, le panorama offert
par La compétence civique sera désormais
une borne essentielle.
THIERRY BISSONNETTE
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