Mutation du Conseil de recherches en sciences humaines
du Canada
Des chercheurs sont inquiets
Le président de l'organisme se fait rassurant
sur les changements proposés
"Vous êtes meilleur à l'oral qu'à
l'écrit". Cette boutade, lancée à Marc
Renaud, président du Conseil de recherches en sciences
humaines du Canada (CRSH), par le professeur Jacques Desautels,
de la Faculté des sciences de l'éducation, résume
bien la réaction des chercheurs qui ont participé
sur le campus, le 2 avril, à une journée de discussion
sur l'avenir du Conseil.
Arrivés méfiants quant aux changements proposés
dans le document de réflexion D'un conseil subventionnaire
à un conseil du savoir, la centaine de chercheurs
et d'étudiants-chercheurs qui ont participé à
la rencontre ont été surpris et rassurés
d'entendre Marc Renaud affirmer que le programme de subventions
à la recherche fondamentale et le programme de bourses
aux étudiants-chercheurs allaient demeurer au coeur des
priorités du CRSH. "Les gens ont la même réaction
dans les 30 universités que j'ai visitées jusqu'à
présent, s'étonne le président du Conseil.
Pourtant, j'ai l'impression de dire exactement la même
chose que ce qui est écrit dans le document."
Tripler le budget
Après 25 ans d'existence, le CRSH a jugé qu'il
était temps de réviser ses orientations et ses
programmes afin de mieux "investir dans le futur".
Le but avoué de l'exercice est simple et ambitieux: tripler
le budget du Conseil pour le porter à 600 M $ par année.
"Cependant, le CRSH ne veut pas être uniquement une
banque qui distribue de l'argent, dit Marc Renaud. Sans faire
de la réingénierie de la recherche, on veut resituer
le Conseil pour le rendre plus responsable du développement
des sciences humaines au pays."
Les chercheurs qui lisent entre les lignes voient clairement
les mots "recherche orientée" se dégager
du document de réflexion du CRSH. "C'est méconnaître
la recherche que de vouloir la planifier, l'organiser et l'orienter
vers l'utilité", a fait valoir Michel Cabanac de
la Faculté de médecine lors de la séance
plénière.
Un autre des points névralgiques du document est l'adoption
d'un modèle d'organisation inspiré par les Instituts
de recherche en santé du Canada. "On veut prendre
les bons côtés des Instituts et écarter les
mauvais, précise le président du CRSH. Il n'est
pas question d'investir dans le béton et dans une administration
lourde. Nous voulons que l'argent serve à la recherche
et pas à la gestion de la recherche. Les instituts auxquels
nous pensons sont virtuels, gérés par de petites
équipes et leur durée de vie est limitée
à sept ou huit ans seulement."
Autre sujet délicat, le Conseil veut briser l'isolement
géographique et le cloisonnement disciplinaire de la recherche
en sciences humaines en favorisant le réseautage, les
programmes de recherche synergique et l'interdisciplinarité.
"On ne veut pas créer de mégastructures, a
affirmé Marc Renaud pour calmer les appréhensions
de Marie-France Maranda, des Sciences de l'éducation,
qui craignait que la volonté de réseautage ne donne
lieu à des regroupements opportunistes de chercheurs.
"Nous voulons simplement favoriser la confédération
des savoirs et les regroupements naturels de gens qui ont des
thématiques de recherche communes", a ajouté
le président du CRSH.
Un rapport s'en vient
Pendant tout le mois de mars, Luc Langlois, doyen de la Faculté
de philosophie et coordonnateur de la consultation sur l'avenir
du CRSH sur le campus, a visité les facultés touchées
par le projet de réforme. Les centaines de commentaires
et objections recueillis lors de cette tournée lui servent
à rédiger le rapport institutionnel que l'Université
soumettra au CRSH en début mai. Le Conseil utilisera les
mémoires des universités canadiennes pour accoucher
d'un document final en octobre prochain.
"Nous voulons vraiment savoir ce que les chercheurs pensent
du projet de réforme, a insisté Marc Renaud. Notre
démarche n'est pas un exercice de relations publiques,
mais une véritable consultation. Politiquement, j'ai ma
petite idée de ce qu'il faut faire pour aller chercher
plus de fonds pour le CRSH, mais je veux entendre les chercheurs
parce que rien n'est encore décidé."
JEAN HAMANN
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