Dans l'intimité du livre d'artistes
Le Salon international du livre de Québec accueille
cette année deux ouvrages particuliers parmi les dizaines
de milliers de livres offerts aux visiteurs jusqu'à dimanche.
Il s'agit de livres d'artistes réalisés par deux
diplômées du microprogramme de deuxième cycle
en édition de livres d'artistes à l'École
des arts visuels. Safia-Husamara de Safia Leghari se retrouve
dans l'exposition de livres d'artistes de la collection de la
Bibliothèque nationale du Québec, tandis que Bethléem
de Mireille Galipeau est exposé dans le kiosque de sa
relieure, Lucie Morin.
Safia Leghari et Mireille Galipeau ont suivi à la lettre
les consignes des concepteurs de leur programme, Nicole Malenfant
et Clément Leclerc, leur demandant de réaliser
un projet personnel de création. Chacun à sa manière,
leurs livres portent les traces de leur histoire intime. C'est
ainsi que Safia Leghari déroule le récit de sa
vie, ainsi que celle d'Husamara, sa grand-mère pakistanaise
aujourd'hui décédée, sur fond d'estampes
numériques reliées par des coutures faites main.
Fait inusité, le livre s'ouvre de deux façons différentes
puisqu'il est écrit d'un côté en français
et en italien, et de l'autre en arabe, lorsqu'il s'agit d'évoquer
l'histoire de la mère de son père. "J'ai utilisé
des photos montrant des détails d'un tapis pakistanais
de mon enfance, des portraits de moi, mais aussi de ma grand-mère
dans un environnement oriental, décrit la jeune femme.
Au milieu, nous nous rejoignons enfin dans une photo commune."
Ce livre permet à l'artiste de réparer en quelque
sorte le passé car Husamara a disparu sans que sans que
sa petite-fille vienne s'établir près d'elle au
Pakistan comme elle l'espérait.
Des cheveux en voyage
Bethléem témoigne aussi à sa
façon des convictions profondes de Mireille Galipeau et
de sa démarche artistique. Depuis 1986, cette dernière
confie des mèches de cheveux à des amis qui partent
en voyage, afin qu'ils les déposent dans des lieux de
culte de différentes religions. Son ouvrage, réalisé
sur un papier épais et cousu à la manière
ancienne, raconte l'itinéraire suivi par un morceau de
sa chevelure jusqu'à la basilique de Bethléem et
la grotte de la Nativité où Jésus serait
né. Au-delà de ses qualités esthétiques
et littéraires, ce livre possède aussi de réelles
propriétés ergonomiques et tactiles. En contact
fréquemment avec des aveugles et des malvoyants, cette
employée du Musée national des beaux-arts du Québec
a pensé à eux en réalisant un livre facilement
manipulable.
"En haut de page, on retrouve les écritures en braille
intégral pour les aveugles, tandis que pour les voyants
et les amblyopes les gros caractères d'imprimerie Times
et Comic 16 points sont situés en bas de la page",
précise l'artiste. Elle a également intégré
à son livre des illustrations en relief de la ville de
Bethléem et de la basilique en les simplifiant pour permettre
aux non-voyants de les visualiser. Le résultat en valait
la chandelle puisque plusieurs exemplaires de Bethléem
se promènent désormais à travers le monde.
PASCALE GUÉRICOLAS
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