La nature au tribunal
Plus qu'un aspect du droit à la vie, le droit à
l'environnement devrait être reconnu comme un droit en
soi
"Le droit à l'environnement a ses caractéristiques
propres et il est assez difficile à mettre en oeuvre,
soutient Melissa De Forte, étudiante au programme de maîtrise
en droit international et transnational à l'Université
Laval. Comme le proposait l'Organisation interaméricaine
des droits de l'homme, il faudrait peut-être songer sérieusement
à reconnaître le droit à l'environnement
comme un droit en soi, et non le faire passer par le droit à
la vie, le droit à la vie privée ou autres droits
qui pourraient être invoqués."
Le vendredi 26 mars, Melissa De Forte participait, au pavillon
Charles-De Koninck, à une journée d'étude
intitulée "Échanges commerciaux et solidarité
internationale". Cette rencontre était organisée
par la Chaire de recherche du Canada en droit de l'environnement,
le Groupe de recherche sur les aspects juridiques internationaux
et transnationaux de l'intégration économique,
et l'Association des étudiantes et étudiants des
deuxième et troisième cycles en droit.
Un certain niveau de protection
En 1948, la Déclaration universelle des droits de
l'homme vient consacrer certains droits, dont celui à
la vie. Mais ce n'est que dans les années 1970 que commence
à se manifester un intérêt pour un droit
à l'environnement. "Les juristes alors n'essaient
pas d'atteindre un idéal, explique Melissa De Forte. Ils
essaient plutôt d'arriver à un certain niveau de
protection, dans le but d'éviter certaines atteintes à
l'environnement."
Deux droits parallèles se sont développés
autour de cette problématique et leur formulation s'est
inspirée de la Déclaration de Stockholm sur l'environnement
humain (1972), de la Conférence de Rio sur l'environnement
et le développement (1992) et de la Convention d'Aarhus
(1998). Si la Déclaration et la Conférence préconisent
l'adoption de nouvelles législations, la Convention, elle,
insiste davantage sur des aspects procéduraux. Mais tous
cherchent à répondre aux demandes sociales pour
davantage de démocratie en matière de dégradation
de l'environnement.
"Dans une convention comme celle d'Aarhus, dont on parle
de plus en plus, la mise en oeuvre d'un droit à l'environnement
passe clairement par la démocratisation environnementale,
indique Melissa De Forte. Cela signifie notamment que le public
doit pouvoir participer au processus décisionnel au sujet
d'activités qui peuvent avoir un effet important sur l'environnement."
Davantage de démocratie signifie également que
les autorités publiques doivent mettre à la disposition
du public, qui est touché ou qui risque d'être touché
par les décisions prises, les informations sur l'environnement
qui leur sont demandées. Enfin, toute personne dont on
a refusé la demande d'information doit pouvoir recourir
aux tribunaux.
Jusqu'à une date récente, les individus qui se
sont plaint d'une atteinte environnementale ne l'ont pas fait
parce que cela avait des effets sur les espèces vivantes
et les écosystèmes. Ils l'ont fait parce qu'ils
subissaient directement un préjudice. Un bon exemple de
cela est l'affaire Lopez-Ostra qui a opposé une citoyenne
de la ville de Lorca au gouvernement espagnol en 1988. Pour résoudre
un grave problème de pollution causé par une concentration
de tanneries, une station d'épuration d'eaux et de déchets
s'était implantée sans permis dans cette ville,
et à quelques mètres du domicile de la requérante.
En 1994, la Cour européenne des droits de l'homme statuait
qu'il y avait eu dans son cas violation du droit à la
vie privée. On reconnaissait également qu'elle
avait éprouvé un tort moral indéniable.
L'État espagnol fut condamné à lui verser
une compensation financière.
"Depuis l'entrée en vigueur de la Convention d'Aarhus
en 2001, une autre dynamique semble se développer, à
savoir qu'un droit à l'environnement mieux renforcé
par les droits procéduraux serait peut-être reconnu
comme un droit en lui-même", souligne Melissa De Forte.
YVON LAROSE
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