
Une industrie à rééquilibrer
Selon Jean-Marc Suret, le capital de risque
québécois doit faire l'objet d'une véritable
stratégie gouvernementale
La situation du Québec en termes de capital de risque
se caractérise par une offre très abondante de
capitaux qui découle presque exclusivement de programmes
gouvernementaux ou subventionnés fiscalement et par l'insatisfaction
de très nombreux entrepreneurs quant aux difficultés,
aux coûts et aux conditions de financement. Cette analyse
ressort du rapport intitulé Le rôle du gouvernement
du Québec dans le capital de risque. Cette étude
a été présentée le 10 mars dernier,
à Québec, aux auditions publiques sur le Rapport
du groupe de travail sur le rôle du Québec dans
le capital de risque, par Jean-Marc Suret, professeur à
l'École de comptabilité de l'Université
Laval et membre de CIRANO, un centre interuniversitaire de recherche
en analyse des organisations.
Dans la plupart des pays de l'OCDE, le capital de risque de démarrage
et de première ronde représente 0,10 à 0,20
% du PIB. À l'échelle du Québec, des montants
de 124 à 248 millions de dollars devraient suffire. Or,
les fonds subventionnés directement (Innovatech, SGF)
ou fiscalement (fonds de travailleurs et Desjardins) représentent
annuellement près de dix fois ce montant. Alors que, dans
plusieurs pays, le gouvernement parvient à attirer plusieurs
dollars de financement par dollar de subvention ou de crédit,
il faut de trois à cinq dollars de dépenses fiscales
pour placer un dollar en capital de risque au Québec par
l'intermédiaire des fonds de travailleurs.
Plusieurs raisons expliquent cette situation. Premièrement,
le principal réservoir de capitaux est entre les mains
de fonds de travailleurs qui placent des montants importants
à l'étranger. Les montants investis dans des sociétés
fermées de petite taille opérant au Québec
représentent moins de 30 % des capitaux disponibles. En
second lieu, le capital de risque québécois est
peu rentable. L'abondance de fonds subventionnés réduit
le rendement, ce qui éloigne les investisseurs privés
et entraîne de nouvelles demandes de subventions.
Des mesures courageuses doivent donc être prises, et le
gouvernement doit se doter d'une véritable stratégie.
Cette stratégie doit s'articuler autour des carences possibles
des marchés, notamment celles concernant la structuration
des résultats de la recherche et de l'incubation.
Des lois à revoir
La première mesure consiste à revoir les lois
des fonds de travailleurs et de Desjardins de façon à
définir avec précision les placements admissibles.
Il s'agirait de placements réalisés dans des sociétés
fermées de petite taille opérant au Québec.
Cette mesure mettrait environ deux milliards de dollars à
la disposition des entreprises de petite taille, et ce, sans
coût supplémentaire pour l'État.
Les Innovatech ainsi que le portefeuille de capital de risque
de la SGF devraient alors être transformés en sociétés
privées. Un travail important devra également être
accompli pour stimuler le démarrage d'entreprises technologiques.
Le capital de risque québécois finance de 140 à
240 entreprises par année. Avec une économie sensiblement
de même taille, Israël en développe plus de
550 même si le gouvernement n'intervient pas dans le financement.
Le rééquilibrage de l'industrie prendra du temps.
À court terme, il semble toutefois essentiel de favoriser
la concurrence et l'équité entre les différents
acteurs publics et privés. Il est essentiel surtout que
les capitaux qui ont fait l'objet de généreuses
dépenses fiscales soient mis à la disposition des
entreprises.
La version intégrale du rapport de Jean-Marc Suret est
disponible dans le site Web du CIRANO: www.cirano.qc.ca.
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