Une réforme nécessaire
Un mode de scrutin de type proportionnel améliorerait
la participation citoyenne à la vie démocratique
au Québec
"Pour améliorer la qualité de la vie démocratique
de nos sociétés, il ne faut pas avoir comme idéal
le consensus, soutient Diane Lamoureux, professeure au Département
de science politique de l'Université Laval. Le niveau
démocratique d'une société se mesure plutôt
par le fait de savoir être en désaccord tout en
se respectant les uns les autres." Le lundi 22 mars, au
pavillon La Laurentienne, elle participait à un débat
spécial organisé conjointement par la Chaire publique
de l'AELIÉS (Association des étudiantes et des
étudiants de Laval inscrits aux études supérieures)
et les Presses de l'Université Laval (PUL). La rencontre
avait lieu dans le contexte d'une éventuelle réforme
du mode de scrutin au Québec.
Selon Diane Lamoureux, un mode de scrutin de type proportionnel,
ou un mode de scrutin mixte, seraient susceptibles d'améliorer
la compétence civique des citoyens, ce qui en retour augmenterait
leur capacité à contrôler l'État.
"Notre mode actuel de scrutin fait une majorité de
perdants, dit-elle. Un nouveau mode permettrait de raviver l'intérêt
pour la chose politique parce que les gens ont tendance à
voter quand ils ont l'impression que leur vote compte. On n'a
qu'à penser au résultat très serré
du dernier référendum au Québec alors que
94 % des électeurs avaient voté." Un autre
avantage serait l'élargissement de l'éventail des
choix politiques alors qu'existe au Québec une tendance
lourde au bipartisme. "Nous vivons dans des sociétés
complexes, poursuit Diane Lamoureux. Il me semble que le bipartisme
n'est pas adapté aux débats d'idées ni à
la complexité des clivages politiques dans une société."
Une participation plus élevée
Henry Milner est professeur associé au Département
de science politique de l'Université Laval. Dans son ouvrage
La compétence civique, édité aux
PUL et lancé à la fin du débat, il explique
comment les citoyens informés contribuent au bon fonctionnement
de la démocratie. Il a pour cela étudié
la vie politique de quinze pays, notamment ceux du nord de l'Europe.
"On voit, dit-il, que dans les pays qui ont un système
de représentation proportionnelle, le taux de participation
est plus élevé de huit à neuf pour cent
qu'ailleurs." Son ouvrage démontre, entre autres,
que les Scandinaves, qui ont une culture politique forte, ont
tendance à adopter des politiques qui tiennent compte
des intérêts de tous les secteurs de la société.
Henry Milner souligne que le Québec et le Canada se retrouvent
vers le bas de la liste des sociétés étudiées
en termes de compétence civique et de participation politique.
Cela dit, quatre autres provinces canadiennes poursuivent actuellement
une réflexion semblable à celle du Québec
en matière de réforme du mode de scrutin.
François Beaulne a été député
de Marguerite-d'Youville à l'Assemblée nationale
de 1989 à 2003. Il croit qu'une réforme en profondeur
s'impose, mais que celle-ci doit s'appuyer sur le plus large
consensus possible. Il prévient cependant qu'en donnant
plus de pouvoir au législatif, la représentation
proportionnelle introduit un processus de marchandage et de négociation
entre le législatif et l'exécutif. ll rappelle
également que le député devient alors beaucoup
plus redevable au parti qu'aux électeurs de sa circonscription.
Cela dit, il est possible, selon lui, d'aller vers la proportionnelle
sans trop de bouleversement. Par exemple avec une variante du
système uninominal à deux tours utilisé
en France.
Ce printemps, après une longue consultation, le ministre
Jacques Dupuis, délégué à la Réforme
des institutions démocratiques, présentera un projet
de loi visant à modifier le mode de scrutin dit majoritaire
uninominal à un tour afin de le rendre plus représentatif
de la volonté des électeurs. Le mode proposé
serait de type proportionnel mixte compensatoire. Rappelons que
la représentation proportionnelle vise à corriger
une distorsion dans l'actuel mode de scrutin. À titre
d'exemple, à l'élection de 1998, un seul siège
était allé à l'Action démocratique
du Québec, malgré que ce parti ait obtenu 12 %
des suffrages.
YVON LAROSE
|