En route vers l'éternité?
L'équipe de recherche de Robert Tanguay
parvient à accroître de plus de 30 % la longévité
de mouches à fruits
Des chercheurs de la Faculté de médecine, dirigés
par Robert Tanguay, ont réussi à prolonger du tiers
la durée de vie de drosophiles. Cette prodigieuse extension
de longévité serait attribuable à une seule
molécule, la Hsp22. Grâce à la surexpression
de cette protéine, les drosophiles, qui vivent normalement
60 jours, ont survécu jusqu'à l'âge de 80
jours. De plus, les drosophiles n'ont pas passé ces 20
journées supplémentaires de vie alitées
et souffreteuses, à attendre leur dernière heure.
Au contraire, la surexpression de la protéine a permis
le maintien de l'activité locomotrice au-delà de
ce qui est normalement attendu de la drosophile moyenne, tout
en augmentant la résistance de ces insectes aux stress
oxydatifs et aux stress thermiques. Geneviève Morrow,
Mélanie Samson, Sébastien Michaud et Robert Tanguay
rapportent comment ils s'y sont pris pour arriver à ce
prolongement spectaculaire de longévité dans le
numéro de mars du FASEB Journal (Federation of
American Societies for Experimental Biology).
Dans un autre article, qui devrait paraître sous peu, la
même équipe démontre qu'il est également
possible de réduire la longévité des drosophiles
en sous-exprimant Hsp22. Robert Tanguay ne croit pas pour autant
que Hsp22 soit l'ultime molécule de jouvence. "Ce
n'est qu'une protéine parmi beaucoup d'autres qui interviennent
dans le processus de vieillissement", estime-t-il.
Petit chaperon
Présentes chez tous les organismes, les protéines
de choc thermique sont produites par les cellules soumises à
un stress. "Elles interviennent dans la biosynthèse
des protéines et elles préviennent leur dénaturation
et leur agrégation", explique le professeur Tanguay.
Ces molécules font office de chaperon, c'est-à-dire
qu'elles jouent un rôle dans le pliage des protéines
et dans leur conformation spatiale.
Ces fonctions de gardien et de chaperon ont éveillé
les soupçons des chercheurs lorsque ceux-ci se sont mis
en quête de molécules susceptibles d'intervenir
dans le vieillissement. "Nous avons choisi de tester la
protéine Hsp22, une petite protéine mitochondriale,
parce que la mitochondrie est le principal site de génération
des radicaux libres dans la cellule, et que ces derniers sont
associés au vieillissement", souligne Robert Tanguay.
Pour ce test, les chercheurs ont utilisé des lignées
de drosophiles qui surexpriment la protéine Hsp22 dans
les cellules neuromotrices. "Nos résultats démontrent
qu'une protéine comme Hsp22 peut protéger la mitochondrie
contre des stress oxydatifs et, de ce fait, contre des dommages
liés au vieillissement, résume le chercheur. De
plus, ils confirment l'importance particulière de certaines
cellules du système nerveux et de la mitochondrie dans
le processus de vieillissement."
Mieux vivre
Le but que poursuivent Robert Tanguay et son équipe
en menant ces travaux n'est évidemment pas de prolonger
la vie des mouches à fruits. "Pas plus que celle
des humains", précise le chercheur. D'ailleurs, le
professeur Tanguay ignore pour le moment si la protéine
Hsp22 existe chez l'homme.
"Nous croyons toutefois que nos recherches pourraient avoir
une incidence sur la compréhension de certaines maladies
neurodégénératives comme la chorée
de Huntington, la maladie de Parkinson, la maladie de Lou Gehrig
et plusieurs ataxies, qui semblent toutes résulter d'un
problème d'agrégation ou de pliage de protéines,
explique-t-il. Ce serait très intéressant si, grâce
à nos travaux, on parvenait à contrôler l'expression
de la Hsp22 ou de son homologue chez l'homme. On disposerait
alors d'un outil pour intervenir dans les processus des maladies
neurodégénératives."
JEAN HAMANN
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