LE COURRIER
Une troisième guerre dans la région des Grands
Lacs africains?
L'ONU prend tout son temps pour intervenir rapidement là
où le besoin est criant. En effet, on constate que les
priorités de nos décideurs internationaux diffèrent
selon leurs intérêts. Malgré l'apparente
accalmie dans la région des Grands Lacs africains, les
caches d'armes dans le territoire contrôlées par
le RCD-Goma (Rassemblement Congolais pour la Démocratie)
se multiplient au vu et au su de la MONUC (Mission de l'Organisation
des Nations Unies pour le Congo). Pourquoi alors William Swing,
le représentant "spécial" du Secrétaire
général des Nations Unies, va-t-il à l'encontre
de son mandat et du souhait de la population congolaise?
Le plus inquiétant est la position de ce représentant
de Kofi Annan devant la campagne de désarmement du gouvernement
congolais à Bukavu (ville à l'est de la République
démocratique du Congo). Dans leur lettre du 27 février
2004 adressée au chef de l'État congolais, le COJESKI/RDC
(Collectif des organisations des jeunes solidaires du Congo-Kinshasa)
déplore la rupture de paix au Sud-Kivu et la réoccupation
de Bukavu par l'Armée patriotique rwandaise (APR). Pour
rappeler les faits, il faut mentionner que, dans la nuit du 23
au 24 février 2004, les militaires de l'APR ont traversé
la frontière pour une mission terroriste contre le Commandant
de la 10e région militaire, le général Prospère
Nabiolwa (d'obédience gouvernementale). Le RCD-Goma et
l'APR lui reprochent d'avoir arrêté et transféré
le major Kasongo (d'obédience RCD-Goma) à Kinshasa.
Le major, lui, est accusé d'avoir stocké et caché
des armes illégales dans ses résidences. Si l'armée
congolaise est devenu intègre depuis les Accords de Pretoria,
comment peut-on expliquer ces caches d'armes dans les résidences
des autorités politiques et militaires du RCD-Goma? Allons-nous
assister à une troisième guerre dans la région
des Grands Lacs africains comme si les deux précédentes,
qui ont fait plus de quatre millions d'individus, n'avaient pas
suffi? La pression du RCD-Goma et de M. Swing sur le gouvernement
congolais l'a emporté sur le bon sens. Le major Kasongo
est retourné à Bukavu et le général
Nabiolwa a perdu son poste de commandant de la 10e région
militaire.
Comment peut-on expliquer ces résultats? L'idée
de morceler le Congo persiste toujours. N'est-ce pas les Français
qui ont permis, avec la mission Artemis (apparemment pour départir
les Lendu et les Hema à Beni et à Bunia), de sauver
de justesse la réalisation de cette partition? On se rappelle
que l'administration Bush avait nommé Walter H. Kansteiner
III assistant secrétaire d'État pour l'Afrique.
Celui-ci, n'étant ni spécialiste de la région
des Grands Lacs africains ni originaire de cette région
ce qui lui aurait fait mieux comprendre les aspects socio-politiques,
culturels et historiques spécifiques à l'Afrique
centrale souhaitait une séparation territoriale
des Hutus et des Tutsis sur le territoire congolais. Étant
donné les connaissances douteuses de l'administration
américaine en géographie politique de la région,
on peut se demander si elle a vraiment laissé tomber son
ancienne ambition de fractionner le Congo.
Selon Le Communicateur du 27 février 2004, les
Américains et leurs alliés rwandais, avec la complicité
de l'ONU, tiennent toujours à leur projet. "L'erreur
fondamentale que tout le monde commet est de croire que derrière
Swing trône l'ONU et on lui demande des comptes à
ce titre. Pourtant, [] Swing se trouve au Congo pour le compte
exclusif de Langley dont il est l'agent spécial. Par un
télégramme classé urgent envoyé au
bureau ovale de la Maison Blanche, Langley a proposé la
réactivation sans délai de l'agent spécial
Swing en RDC en vue de contrer l'influence européenne
en général et française en particulier."
L'ex-ambassadeur des États-Unis au Zaïre, M. William
Swing, est un agent de la CIA. Il ne répond qu'aux ordres
de son chef direct dans la région, qui n'est autre que
le président du Rwanda, M. Kagame. Celui-ci détient
la fonction de patron de la CIA en Afrique centrale en remplacement
du président de l'Ouganda, Yuweri Museveni. Ce dernier
avait remplacé Mobutu au début des années
1990. Peut-on prédire que le Burundi sera le suivant sur
la liste des patrons de la CIA en Afrique centrale pour assurer
la sécurité des États-Unis à l'étranger?
La RDC n'est pas au bout de ses peines. L'imposition de la recomposition
du continent africain n'est pas souhaitée par les Congolais.
L'administration américaine joue une mauvaise carte en
politique étrangère, et ce, au risque de créer
des extrémistes nationalistes congolais. Le cas du dossier
des caches d'armes, qui consiste à faire perdurer la confusion
qui règne à l'est de la RDC afin de permettre à
Kagame de récupérer la situation chaque fois qu'elle
leur échapperait, finira par renforcer le sentiment nationaliste.
CHARLES KATEMBO
Étudiant en sociologie
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