L'esprit inflammable
Pour le philosophe Thomas De Koninck, la démarche
naturelle de la pensée commence par le questionnement
"Le rôle central de l'éducation supérieure
est d'apprendre à penser toujours mieux. Des étudiants
qui obtiendraient leur diplôme avec des habiletés
techniques sans avoir développé leur pensée
n'auraient pas été éduqués et auraient
peine à jouer leur rôle de citoyen. Ce qu'il s'agit
de former avant tout, c'est le jugement critique; lui seul rend
autonome, libre."
Le 13e Colloque sur l'avancement de la pédagogie et les
technologies de l'information et des communications (CAPTIC)
qui s'est déroulé les 17, 18 et 19 mars, au pavillon
La Laurentienne, a débuté sur une note philosophique
avec Thomas De Koninck. Les personnes réunies à
cette rencontre ayant pour thème "Apprendre des stratégies
pédagogiques" ont ainsi assisté à un
brillant plaidoyer en faveur d'un enseignement privilégiant
l'esprit de recherche et de découverte. Pour le récipiendaire
du Prix d'excellence en enseignement 2003 de l'Université
Laval, il ne fait aucun doute que le défi de l'enseignement
consiste à maintenir la connaissance vivante et à
l'empêcher de devenir inerte. "On a affaire à
l'esprit humain, pas à de la matière morte",
de souligner Thomas De Koninck. À son avis, l'un des
problèmes majeurs de l'enseignement est non seulement
l'absence apparente de liens entre les matières, mais
aussi leur disparité inexpliquée et l'absence de
raisons offertes pour leur imposition. "Pourquoi la science?
Pourquoi l'histoire? Pourquoi les langues? Pourquoi la littérature?
Cette dissociation tue. Il n'y a qu'un sujet d'études
au bout du compte, et c'est la vie dans toutes ses manifestations."
L'aventure des sciences
À l'instar de Socrate qui se comparait à une
sage-femme dont l'art ne consistait pas à accoucher elle-même,
mais bien à assister l'accouchement d'autrui, l'enseignant
doit aider à la conception de ce que l'élève
porte déjà en soi. "L'esprit humain n'est
pas comparable à un vase qu'on remplit, mais bien plutôt
à une manière combustible qu'une étincelle
peut enflammer", estime Thomas de Koninck. Dans l'enseignement
des sciences, par exemple, la personne ne doit pas se contenter
d'enseigner le " comment", sous peine de ne transmettre
que des techniques, mais plutôt respecter la démarche
naturelle de la pensée, qui commence par le questionnement.
"Il faut faire participer les jeunes esprits sans tarder
aux arguments en présence dans les grandes querelles scientifiques
de l'heure, les initier d'entrée de jeu à l'aventure
exaltante de la science, les éveiller aux problèmes
innombrables, parfois considérables, à résoudre,
concentrer leur attention sur ce qui n'est pas connu l'étrangeté
du monde ouvert par la théorie des quanta en physique,
les énigmes impondérables de la cosmologie et ainsi
de suite."
Pour Thomas De Koninck, cette façon d'enseigner touche
évidemment les sciences humaines où chaque cours
devrait être une découverte, dans une classe qui
existerait comme une véritable personne. Dans un tel climat,
les étudiants trouveraient leur place, au beau milieu
des réflexions et des interrogations nourrissant la connaissance.
Car comment évoluer, sinon en questionnant sans relâche?
"L'Université incarne en principe tout ce que l'humanité
peut faire, créer, et ce que le reste de la société
peut réaliser si elle essaie. Partout où l'on accepte
la vision de l'artiste, le désintéressement, la
distance du savant, le savoir et la patience de l'enseignant,
le questionnement de l'enfant, l'Université est à
l'oeuvre dans le monde."
RENÉE LAROCHELLE
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