LE COURRIER
Intégration ou ghettoïsation?
Les audiences publiques de la Commission d'aménagement
de l'Université Laval (CAMUL) ont, de toute évidence,
permis à plusieurs personnes ou groupes d'émettre
des recommandations dont quelques unes sont sans doute pertinentes
tandis que d'autres font preuve d'un manque total de réalisme
et de compréhension du concept d'intégration. Ainsi,
l'idée que "l'Université
doit intégrer davantage la ville au sein du campus par
l'implantation de bureaux, de commerces ou de restaurants ou
même d'un cinéma" (Au fil des événements,
4 mars 2004, p.7) est dérangeante à plusieurs
points de vue. En premier lieu, aurait-on oublié qu'à
moins de 1 km (plus ou moins 10 minutes de marche) du campus,
on retrouve les salles de cinéma du Clap? Est-ce le mandat
de l'Université Laval de concurrencer le cinéma
voisin? De plus, de nombreux commerces et bureaux de tout genre
voisinent déjà le campus, dont entre autres trois
centres commerciaux. De façon plus précise, le
Géorépertoire des lieux d'activité de la
Région métropolitaine de Québec (CRAD, 2002)
nous apprend que pas moins de 15 restaurants (au sens large,
c'est-à-dire incluant les casse-croûte) sont situés
dans un rayon égal ou inférieur à 1 Km
à vol d'oiseau du centre du campus et qu'environ 500 commerces,
bureaux et services (toute catégorie confondue) font des
affaires dans ce même rayon.
Ces décomptes vont totalement à l'encontre de l'idée
d'"isolement géographique" proposé par
certains pour caractériser le campus de l'Université
Laval. Par ailleurs, je vois mal comment des commerces implantés
sur le campus réussiraient à concurrencer les commerces
de Place Sainte-Foy et à survivre. L'expérience
a déjà été tentée, il y a
quelques années, sans grand succès d'ailleurs.
En deuxième lieu, l'implantation de commerces, de bureaux,
cinéma et même de logements sur le campus agirait,
à mon avis, dans le sens contraire de l'intégration
du campus à la ville. En effet, si toutes ces fonctions
urbaines s'installaient sur le campus, pourquoi en sortirait-on?
Ne serait-ce pas là une forme de ghettoïsation par
rapport à une ville que l'on souhaite tant intégrer?
Enfin, un campus universitaire remplit deux grandes mandats:
la formation et la recherche, pas la réalisation de profits
associée à la fonction commerciale.
L'aménagement, c'est l'art du possible, a écrit
le géographe, Paul Claval. Un campus universitaire devrait
être un îlot de tranquillité, verdoyant si
possible, agréable à parcourir à pied et
accessible à toute la population en tout temps, et plus
particulièrement lors de grandes conférences, congrès,
colloques, etc. Si l'objectif est l'intégration du campus
à la ville, travaillons, entre autres, à améliorer
son accessibilité à l'ensemble de la population,
surtout par les modes de transport alternatifs à l'automobile
(malheureusement trop présente) et travaillons à
améliorer l'accessibilité des commerces, bureaux
et services présents dans le voisinage du campus pour
le bénéfice de toute de la communauté universitaire.
MARIE-HÉLÈNE VANDERSMISSEN
Professeure au Département de géographie
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