Le secret de leur succès
Trois scientifiques expliquent comment les femmes
doivent s'y prendre pour devenir des leaders
Pour être un bon leader, il faut d'abord être soi-même...
mais il faut aussi adopter les comportements attendus d'un chef.
Voilà le message qui se dégage de la table ronde
présentée le 19 février par la Chaire CRSNG/Alcan
pour les femmes en sciences et génie au Québec.
À cette occasion, une soixantaine d'étudiantes
des facultés des Sciences et de génie, de Foresterie
et de géomatique et des Sciences de l'agriculture et de
l'alimentation étaient venues entendre les témoignages
de trois scientifiques qui ont appris, sur le terrain des hommes,
comment exercer leur leadership.
Pour Mary Williams, directrice générale de l'Institut
de dynamique marine du Conseil national de recherche du Canada
et co-auteure de l'ouvrage Becoming Leaders, les femmes
doivent chasser de leur esprit l'idée qu'un leader doit
forcément et férocement ressembler à George
W. Bush ou à un pdg de multinationale. "Pour être
un leader, il faut tout simplement trois choses, a-t-elle fait
valoir. D'abord, il faut avoir une vision personnelle et inspirante
de notre organisation. Ensuite, il faut avoir des valeurs que
l'on exprime par nos décisions. Enfin, il faut avoir le
courage de sortir de sa zone de confort, d'exprimer de nouvelles
idées, de prendre des décisions et de faire ce
qu'il faut."
Connais-toi toi-même
Lorsque l'ingénieure Fanny Truchon a été
catapultée à la direction du service de maintenance
de l'usine de Procter & Gamble à Belleville en Ontario,
elle s'est imposée l'obligation de se lever 30 minutes
plus tôt chaque matin pour écouter les nouvelles
du sport à RDS. "Je pensais qu'en discutant sport,
je pourrais me rapprocher des 206 employés masculins qui
formaient le service, a-t-elle avoué. Je l'ai fait pendant
trois mois et ça n'a rien donné."
Le déclic s'est plutôt produit après un entretien
avec un employé dont l'enfant était malade. Elle
l'a écouté pendant une heure et elle lui a proposé
de réaménager son horaire de travail, et du coup
celui de quelques-uns de ses confrères, pour l'aider à
traverser ces moments difficiles. "C'est là que j'ai
réalisé que je n'avais pas à être
quelqu'un d'autre pour occuper un poste de direction. Il faut
tout simplement retourner à ses valeurs, bien connaître
ses forces et capitaliser là-dessus."
Savoir convaincre
Sophie D'Amours en a appris un bout sur le leadership depuis
qu'elle dirige For@c, un consortium qui regroupe 14 partenaires
intéressés par la gestion du changement en industrie
forestière. Cette professeure du Département de
génie mécanique de l'Université Laval a
dû faire le tour du Canada avec sa petite valise pour convaincre
les entreprises et les organismes subventionnaires d'investir
les 9,5 M$ nécessaires au projet. "Les femmes ont
souvent de la difficulté à s'assumer comme leader,
admet-elle. C'est un travail à long terme et on ne développe
pas cette habilité du jour au lendemain."
Le milieu universitaire présente quelques particularités
pour l'exercice du leadership, a-t-elle souligné au passage.
"La hiérarchie est floue ce qui nous force à
faire continuellement appel à nos talents de mobilisateur.
De plus, comme la recherche coûte très cher, il
faut s'organiser en équipe. D'ailleurs, un bon leader
recherche l'influence de son équipe."
Agir en leader
Etre soi-même, avoir une vision de l'entreprise et
affirmer ses valeurs ne constitue que la première étape
du voyage qui conduit au leadership. "Il faut croire en
soi comme leader et se comporter comme tel, conseille Mary Williams.
Il faut parler comme un leader, adopter une posture de leader
et marcher comme un leader."
Pour réussir, il ne suffit pas d'avoir des connaissances,
a souligné Fanny Truchon. "La plupart des entreprises
préfèrent s'en remettre à des sous-contractants
pour les questions technologiques. Ce que les employeurs recherchent,
ce sont des agents de changement. La valeur d'une idée
compte pour à peine 20 % de son succès; le reste
repose sur la capacité à convaincre les gens. Vos
connaissances technologiques vous donnent un droit de passage,
mais c'est votre leadership qui fera la différence."
Sophie D'Amours a conclu en rappelant tout le chemin parcouru
par les femmes depuis quelques décennies. "Des femmes
ont ouvert le chemin pour nous et elles ont prouvé que
nous pouvions assumer des postes de direction. Le défi
maintenant est de faire accepter nos styles de leadership."
JEAN HAMANN
|