
Hospitalité 101
Depuis 40 ans, François Gil accueille
avec le sourire les étudiants non francophones à
l'École des langues vivantes
Quand un étudiant non francophone lui fait oui de la
tête pour dire qu'il a bien compris ses explications, Françoise
Gil décèle tout de suite si cet étudiant
dit vrai ou non, juste en lisant dans son regard. "Beaucoup
d'étudiants n'osent pas avouer qu'ils n'ont pas saisi
de quoi il était question, souvent par politesse ou parce
qu'ils sont simplement décontenancés. Les Japonais,
par exemple, ne diront jamais non, parce que ce mot n'existe
pas dans leur langue. Même prononcé dans une autre
langue, ils considèrent ce mot comme offensant pour leur
interlocuteur."
Non, Françoise Gil n'est pas agente d'immigration, mais
bien agente de secrétariat à l'École des
langues vivantes depuis 40 ans. C'est dire qu'elle a développé
une intuition peu commune envers les étudiants étrangers
qui viennent depuis des générations s'asseoir dans
son bureau. La mission personnelle qu'elle s'est donnée
se résume en une phrase: accueillir les étudiants
non francophones de façon à ce qu'ils gardent le
meilleur souvenir possible de l'Université Laval.
Concrètement, le travail de Françoise Gil consiste
à aider les étudiantes et étudiants dans
toutes sortes de démarches pouvant aller d'une demande
d'aide financière à l'obtention d'un permis d'études,
en passant par des problèmes de visas, de logement ou
de relations humaines. Ce qui n'empêche pas certains étudiants
ayant le mal du pays de cogner à sa porte simplement pour
le plaisir de converser quelques instants dans leur langue maternelle.
Pour eux, Françoise Gil constitue en quelque sorte une
bouée qui les maintient à flot dans une mer de
francophones. Car l'atout numéro un de cette femme au
grand charme demeure évidemment sa connaissance des langues
étrangères: l'anglais, l'espagnol, l'italien, le
japonais et, depuis peu, l'arabe. Il faut la voir passer d'un
"mode" à un autre, sans en perdre son latin.
"L'apprentissage des langues a toujours représenté
une passion pour moi car c'est une porte qui s'ouvre vers le
monde, souligne la polyglotte qui prévoit se mettre au
chinois sous peu. En 1964, quand j'ai commencé à
travailler à l'Université Laval, il n'y avait que
les cours d'été de français pour non francophones.
Puis d'autres langues se sont ajoutées, la diversité
s'est installée. Je dirais que c'est cette diversité
qui a fait que je suis restée aussi longtemps!"
À côté de cette belle générosité
dont elle fait preuve au travail, Françoise Gil ne compte
plus les Noëls où elle a accueilli des étudiants
étrangers dans sa maison ou encore toutes ces fois où
elle a aidé dans leurs emplettes des gens qui ignoraient
que l'hiver québécois exigeait un habillement particulier
Et elle a appris à ne pas rire quand un étudiant
qui souhaite l'informer en français qu'il est inscrit
au programme des bourses d'été de l'École
des langues vivantes lui dit, le plus sérieusement du
monde: "Madame, je suis une bourse."
Après 40 ans de bons et loyaux services à l'Université,
on serait en droit de penser que Françoise Gil songe à
la retraite. Pourtant, la dame n'y songe même pas, enfin
pas pour l'instant. "J'ai encore beaucoup trop d'énergie
pour cela."
RENÉE LAROCHELLE
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