Clôtures de vie
Des chercheurs en agroforesterie démontrent
les mérites des haies vives au Mali
L'idée est séduisante: remplacer des clôtures
de fortune faites de branches mortes par des arbustes vivants
qui fournissent des fruits et des produits utiles tout en empêchant
le bétail de brouter dans les champs. Encore fallait-il
en démontrer la faisabilité sur le plancher des
vaches. C'est cette preuve qu'apportent Virginie Levasseur et
Alain Olivier, du Département de phytologie de l'Université
Laval, et leur collègue Mamadou Djimdé, au terme
d'une étude réalisée auprès de paysans
de la région de Ségou au Mali.
Les chercheurs, qui livrent le fruit de leur investigation dans
un récent numéro de la revue scientifique Agroforestry
Systems, rapportent que, trois ans à peine après
la mise en terre de jeunes plants de cinq espèces d'arbustes
épineux servant de clôture vivante, 75 % des paysans
en avaient déjà tiré au moins un produit.
L'arbuste le plus prisé est le Lawsonia inermis
qui produit du henné, une teinture utilisée traditionnellement
pour colorer les mains et les pieds. La moitié des paysans
en ont récolté pour leurs besoins domestiques et
30 % en ont eu suffisamment pour en vendre au marché.
Les propriétaires ont aussi récolté des
parties de plantes aux vertus médicinales (40 %), des
fruits (40 %), des graines pour créer d'autres haies vivantes
(20 %) ou du tanin pour traiter le cuir (15 %).
La chèvre et le chou
Ces haies vives pourraient donc avantageusement remplacer
les traditionnelles clôtures de branches mortes utilisées
par les paysans maliens pour empêcher le bétail
de brouter dans leurs champs, estiment les trois chercheurs.
Fréquemment attaquées par les termites qui y créent
des brèches, les clôtures de branches mortes exigent
des réparations annuelles. De plus, l'approvisionnement
en branches pose problème à mesure que la superficie
de terres cultivées augmente.
Autre avantage intéressant, les clôtures vivantes
éliminent une source potentielle de conflit entre cultivateurs
et éleveurs de bétail. La coutume veut que les
éleveurs maliens laissent leurs bêtes paître
librement pendant la saison sèche, qui dure près
de neuf mois dans ce pays, pour qu'elles mangent les restes de
récoltes tombés dans les champs. "L'urbanisation
rapide de la population malienne a forcé le développement
de la culture pendant la saison sèche, de sorte que les
terres publiques, où le droit d'usage prime, sont convoitées
par les deux groupes", signale Alain Olivier. Grâce
aux haies vives, il est désormais envisageable d'aménager
la chèvre et le chou.
JEAN HAMANN
|