Des gènes dans la mire
Mise au point d'un test pour identifier les gènes essentiels
à l'infection chez les bactéries pathogènes
Une méthode mise au point par une équipe de la
Faculté de médecine de l'Université Laval
laisse entrevoir la possibilité d'effectuer des frappes
d'une précision chirurgicale dans la mécanique
cellulaire des bactéries pathogènes. Cette méthode
permet d'identifier rapidement un ou plusieurs gènes indispensables
aux bactéries pour envahir et infecter le corps de son
hôte. "Parce qu'elle permet d'identifier rapidement
des protéines qui peuvent servir de cibles à l'industrie
pharmaceutique, notre approche risque de changer la façon
de faire de la pathogénie bactérienne", estime
le responsable de l'équipe de recherche, Roger Lévesque.
Les gènes essentiels à l'infection contrôlent
des propriétés, telles que l'adhérence à
la cellule hôte et la motilité, qui favorisent la
croissance et la multiplication des bactéries. "Ces
caractères contribuent au succès infectieux de
la bactérie, explique le professeur Lévesque. Identifier
les gènes qui les contrôlent et comprendre comment
ils sont exprimés constitue le nerf de la guerre dans
la recherche sur les bactéries pathogènes."
Soixante-douze fois plus efficace
L'équipe de Laval a fait la démonstration de
l'efficacité de sa méthode - couverte par un brevet
américain - à l'aide de Pseudomonas aeruginosa.
Cette bactérie pathogène prolifère chez
les personnes victimes de cancer, de brûlures sévères,
de fibrose kystique ou de traumatismes graves, dont le système
immunitaire est affaibli. Responsable d'une forte proportion
des maladies nocosomiales (contractées à l'hôpital),
cette bactérie montre une résistance grandissante
aux antibiotiques.
Jusqu'à présent, les chercheurs devaient s'armer
de patience pour identifier un gène essentiel à
l'infection parmi les 5 570 gènes que compte le génome
de P. aeruginosa. Ils devaient tester une à
une chaque bactérie mutante de cette espèce sur
un groupe de rats et observer si l'infection s'installait ou
non. L'approche "mutagenèse par étiquette-signature",
mise de l'avant par l'équipe de Roger Lévesque,
permet l'identification de gènes codant pour des protéines
qui sont essentielles à la survie in vivo des bactéries
infectieuses. Décrite par Éric Potvin, Dario Lehoux,
Irena Kukavica-Ibrulj, Karine Richard, François Sanschagrin,
Roger Lévesque et leur collègue américain,
Gee Lau, dans un récent numéro de Environmental
Microbiology, cette méthode permet de tester 72 mutants
sur un seul rat et d'identifier, en quelques jours, ceux qui
n'ont pas réussi à infecter les cellules de l'hôte.
"La bactérie qui ne s'implante pas dans l'hôte
possède un gène muté qui est essentiel à
l'infection, précise le chercheur. La protéine
normalement produite à partir de ce gène constitue
donc une cible intéressante pour l'industrie pharmaceutique."
En effet, en inactivant ce gène ou en bloquant la synthèse
de la protéine qu'il code, l'infection serait jugulée.
Les compagnies pharmaceutiques suivent de près l'évolution
des travaux de cette équipe de recherche qui promettent
de leur apporter des munitions pour contrer la montée
de la résistance aux antibiotiques.
JEAN HAMANN
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