Une première mondiale
Des chercheurs de la Faculté de médecine
réussissent à greffer des cellules musculaires
normales chez des patients atteints de la dystrophie de Duchenne
Une équipe de la Faculté de médecine
de l'Université Laval a annoncé hier avoir réussi
la première transplantation de myoblastes (cellules musculaires)
chez des personnes atteintes de dystrophie musculaire de Duchenne.
La méthode sur laquelle travaillent le professeur Jacques
P. Tremblay et son équipe depuis 15 ans a été
testée pour la première fois sur des sujets humains
au cours de la dernière année. Trois jeunes patients
âgés de 8, 10 et 16 ans ont reçu, par injection,
des cellules musculaires normales provenant de leur père.
Une partie des cellules greffées ont fusionné avec
les cellules déficientes des patients et, par intégration
du gène normal, sont parvenues à synthétiser
de la dystrophine, la protéine dont l'absence est la cause
de la maladie. Les détails de cette expérience
sont dévoilés dans le numéro de mars de
la revue scientifique Molecular Therapy, dans un article
signé par Daniel Skuk, Brigitte Roy, Marlyne Goulet, Pierre
Chapdelaine, Jean-Pierre Bouchard, Raynald Roy, Francine J. Dugré,
Jean-Guy Lachance, Louise Deschênes, Hélène
Senay, Michel Sylvain et Jacques P. J. Tremblay.
La dystrophie musculaire de Duchenne, une maladie héréditaire
qui frappe un garçon sur 3 500, cause un affaiblissement
progressif et une dégénérescence musculaire.
Ses premières manifestations surviennent vers l'âge
de deux à cinq ans et, au début de l'adolescence,
les personnes atteintes sont confinées à une chaise
roulante. La maladie s'attaque ensuite aux autres muscles, notamment
les muscles respiratoires, ce qui compromet l'espérance
de vie. La plupart des malades meurent avant 25 ans.
Vers un traitement
L'expérience réalisée chez les trois
patients n'avait pas pour but de restaurer leurs capacités
motrices, mais uniquement de vérifier la faisabilité
de l'approche thérapeutique développée par
Jacques P. Tremblay. Les cellules musculaires des donneurs, prélevées
par simple biopsie, ont été multipliées
en laboratoire, dans la salle blanche du Centre de recherche
du CHUL. Par la suite, les chercheurs ont injecté 30 millions
de myoblastes cultivés en 25 sites d'une petite section
(1 cm cube) d'un muscle de la jambe des patients. Pour prévenir
le rejet, les médecins leur avaient préalablement
administré du Tacrolimus, un puissant immunosuppresseur.
Des biopsies effectuées quatre semaines plus tard ont
démontré que le taux de cellules produisant de
la dystrophine dans la section du muscle à l'étude
atteignait 7, 9 % et 11 % chez les trois patients.
"Nos résultats sont prometteurs. Pour la première
fois au monde, nous avons réussi à recréer
un pourcentage élevé de fibres musculaires avec
dystrophine chez des patients dont les muscles étaient
déficients en dystrophine. Cette première phase
de nos travaux ouvre la voie à un traitement potentiel",
commente le professeur Tremblay.
Les chercheurs entendent maintenant injecter massivement des
cellules musculaires normales dans un muscle complet afin de
vérifier si la technique permet au muscle de retrouver
sa force ou, à tout le moins, de prévenir son affaiblissement.
Les attentes à l'endroit de ce traitement sont grandes,
tant chez les patients que chez les chercheurs, puisque cette
maladie est présentement incurable. Pour l'instant, les
personnes atteintes s'en remettent à la réadaptation
et à certaines interventions chirurgicales pour augmenter
leur potentiel de mouvement, compenser leur handicap et améliorer
leur qualité de vie.
JEAN HAMANN
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