Le fabuleux destin d'Amélie Breton
Les photos congelées de cette étudiante
à la maîtrise en anthropologie témoignent
de sa passion pour le Nord québécois
Les promeneurs qui bravent le vent et la neige sur le campus
ont peut-être aperçu les statuettes en glace d'Amélie
Breton devant le pavillon Jean-Charles-Bonenfant ou le PEPS.
À la manière des inukshuk, dont les Inuits se servent
pour retrouver leur chemin dans la toundra, ces petites sculptures
indiquent la direction à suivre pour découvrir
sa salle d'exposition-igloo. Éprise passionnément
du Nord, l'étudiante à la maîtrise en anthropologie
a recréé en effet un bout de terre inuite sur la
terrasse du Pub derrière le pavillon Alphonse-Desjardins.
Aidée de quelques proches, elle a érigé
un abri de neige circulaire, sans toit pour des raisons d'assurances,
afin d'y présenter des photos. congelées!
À l'intérieur du quonset hut d'environ cinq mètres
de circonférence, les scènes de la vie quotidienne
des habitants d'Inukjuak, au bord de la Baie d'Hudson, se succèdent,
figées dans des blocs de glace. Ces scènes de pique-niques
sur la toundra, d'aînés fabriquant des petits bateaux
ou de bernaches s'élevant à l'infini, Amélie
Breton les a croquées cet été lors de son
séjour de quelques mois dans cette localité du
Nunavik. Elle a eu envie de faire geler ensuite ses clichés
dans de grands bacs d'eau, simplement pour rappeler l'importance
de la glace pour ce peuple du froid. Au centre du quonset hut,
une série de photos en couleurs apparaissent sous un petit
dôme glacé symbolisant un igloo miniature. Il s'agit
des réalisations d'une quinzaine d'aînés
d'Inukjuak auxquels Amélie avait remis des appareils photos
jetables l'été dernier.
"Je leur ai demandé de photographier des objets,
des gens, des paysages qu'ils aimeraient sauvegarder, explique
l'étudiante, afin d'aller chercher leur point de vue sur
leur environnement. J'ai demandé la même chose à
des jeunes de la communauté, mais je n'ai pas encore leurs
photos." Les Inuits plus âgés ont pris plaisir
à fixer sur pellicule les activités traditionnelles
qui rythment leur été en nature, la chasse, la
pêche, le séchage du poisson, mais aussi la rivière
proche du village, polluée par le mercure. Consciente
des problèmes sociaux et de santé qu'affronte cette
population, Amélie Breton aimerait bien qu'on accorde
du temps aux Inuits. "Au fond, la sédentarisation
remonte seulement à une cinquantaine d'années,
remarque-t-elle. Il faut leur laisser le loisir de trouver leur
place dans la société d'aujourd'hui, afin que les
jeunes décident de leur chemin entre la vie des Blancs
et la vie traditionnelle."
Son coup de foudre pour le Nord, la jeune fille l'a éprouvé
en effectuant un voyage de quatre jours au Nunavik alors qu'elle
photographiait des jeunes qui avaient réussi pour le compte
d'une agence gouvernementale. Rentrée à Québec,
cette amoureuse du plein air réoriente sa carrière
de photographe à son compte pour l'ajuster à sa
nouvelle passion nordique. Elle s'inscrit alors en anthropologie
à l'Université Laval et se met activement àl'étude
de l'Inuktituk. "J'aime la nature là-bas car le regard
voit loin dans la toundra, aucune forêt ne l'arrête,
raconte Amélie. J'aime les gens car je ne sens aucune
pression sociale. J'ai la liberté d'agir comme je veux,
sans devoir me justifier." Éblouie par son séjour
l'été dernier, la jeune fille attend impatiemment
son prochain départ en juin vers Inukjuak pour poursuivre
ses travaux de maîtrise. Elle sait déjà qu'elle
y passera plusieurs mois, et laisse planer un doute sur sa date
de retour. Après tout, est-elle vraiment obligée
de reprendre l'avion vers le Sud? On peut visiter l'expo-igloo
d'Amélie Breton jusqu'au 29 février.
PASCALE GUÉRICOLAS
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